Ethel (1915-1953) et Julius (1918-1953) Rosenberg, par Picasso New York, 19 juin 1953, la manifestation de protestation, interdite à Union Square, eut lieu dans les environs de la 17ème rue Abel Meeropol (1903-1986), vers 1945

ordiecole.com : l'affaire Rosenberg

L'affaire Rosenberg, 50 ans plus tard : un assassinat politique

C'est sans aucun réel motif, autre que leur engagement communiste, que les époux Rosenberg, Ethel (1915) et Julius (1918) ont été exécutés.

Le 19 juin 1953, l'opinion mondiale était traumatisée par l'annonce de l'exécution sur la chaise électrique de Sing Sing des époux Rosenberg.
Ils laissaient deux orphelins : Michael, 12 ans et Robert, 8 ans.
La nouvelle "Affaire Dreyfus", comme on l'appelait alors, était abondamment commentée dans tous les pays.
De quoi s'agissait-il ? Ethel et Julius Rosenberg avaient été condamnés à mort le 5 avril 1951.
Motif : vol du secret de la bombe atomique en 1945 au profit de l'URSS.
Tous leurs pourvois furent rejetés et les présidents Truman puis Eisenhower refusèrent la grâce.
L'accusation reposait sur un unique témoignage, celui du frère d'Ethel, David Greenglass, arrêté le 15 juin 1950 et de son épouse Ruth.
Celui-ci avait travaillé de 1944 à 1946 comme mécanicien dans l'un des ateliers de Los Alamos, où se fabriquait la bombe A.
D'après sa déposition, lui, qui n'avait aucune formation scientifique, aurait dessiné de mémoire "une coupe de la bombe atomique" et "rédigé un texte de douze pages pour en expliquer le fonctionnement".
Le tout aurait été remis aux Rosenberg et Ethel aurait tapé le texte à la machine.
C'est donc uniquement au hasard de quelques conversations, sans jamais avoir pu disposer de documents, ni pris aucune note, que Greenglass se dit en possession d'une "assez bonne description de la bombe atomique" et qu'il a pu en dessiner le schéma pour le remettre à Julius Rosenberg.

Un dossier vide :

En dehors de cette affirmation abracadabrante, le dossier était vide.
L'accusation avait cité 118 témoins, comprenant les savants et les militaires qui avaient dirigé les travaux de fabrication de la première bombe atomique étasunienne. Aucun d'entre eux ne figurera parmi les 23 témoins qui comparaissent à la barre et dont cinq seulement connaissent les Rosenberg. Ils ne seront que deux, David Greenglass et son épouse, à les accuser directement.

On comprend pourquoi l'accusation a préféré ne pas faire venir les savants, cités au départ, tels qu'Oppenheimer ou Urey, ce même Urey qui avait déclaré en 1946 au New York Times :
"Des données détaillées sur la bombe atomique [...] demanderaient 80 à 90 volumes imprimés serrés,
et que seul un scientifique ou un ingénieur serait capable de lire."

Ce n'était pas le cas de Greenglass qui n'avait fait que des études secondaires moyennes et avait reconnu, au cours du procès, avoir quelques difficultés avec l'orthographe...

Mais on est en pleine guerre froide, le sénateur Mac Carthy anime une violente campagne anticommuniste et il est essentiel que la "chasse aux sorcières" soit rentable. Les Rosenberg se présentaient comme "progressistes" et pouvaient être catalogués comme communistes, donc espions au service du Kremlin.

Les deux seules "pièces à conviction" produites lors du procès ont été un tronc pour la collecte de fonds au profit des enfants des républicains espagnols, trouvé dans leur appartement, et une liste de pétition en faveur d'un candidat communiste (d'ailleurs élu) au conseil municipal de New York : cette liste comprenait 50 000 signatures, dont celle d'Ethel Rosenberg. Elle datait de 1941...

L'affaire Rosenberg devait faire grand bruit en dehors des USA.
Le PCF hésita un peu avant de s'en emparer : ce n'est qu'après les prises de position de Jean-Paul Sartre, du Monde et de quelques autres que l'Huma en parla pour stigmatiser "l'impérialisme américain".

Ensuite, ce fut un véritable déferlement : François Mauriac, le Pape, l'Eglise réformée, etc.
Des "comités pour la défense des Rosenberg" furent créés et de nombreux pays furent touchés
(Italie, Belgique Grande-Bretagne, etc).

Seules deux grandes nations restèrent discrètes :
les Etats-Unis, où le mouvement ouvrier demeura singulièrement indifférent, et l'URSS,
où l'on n'en parla qu'au moment de l'exécution des condamnés.

Les Rosenberg refusèrent toujours de reconnaître aucun des faits qui leur étaient reprochés et déclarèrent préférer la mort à des confessions mensongères. Cette attitude courageuse leur valut l'admiration des milieux les plus divers.

On dispose maintenant de nombreux éléments permettant de confirmer le vide de l'accusation, mais en même temps de nuancer certaines certitudes des défenseurs :

Le 5 décembre 2001, David Greenglass a finalement "avoué" au cours d’une émission de 60 minutes sur la chaîne de télévision CBS qu'il avait produit un faux témoignage contre sa soeur Ethel après avoir passé un accord avec l'assistant du Procureur.

"Je ne pouvais pas imaginer qu'ils les condamneraient à mort ", a-t-il affirmé.
Il reconnaît avoir transmis des renseignements sur les recherches nucléaires et les détonateurs de bombe A.
Il n'aimait pas son beau-frère et l'a accusé pour se couvrir. Ça a bien marché puisque, après avoir accompli ses quinze ans de prison, il vit tranquillement à New York sous un nom d'emprunt. C’est sur son faux témoignage que l’accusation se basa principalement pour condamner à mort Ethel et Julius.

Un livre vient d'ailleurs de paraître sur cette triste histoire :

The Brother, de Sam Roberts (voir couverture) : ISBN : 0-375-76124-1 (format de poche)
éditeur : Random House / Sam Roberts / article / buy on line
édition originale : 560 pages, ISBN : 0-375-50013-8



Cependant, dès 1994, on savait à quoi s'en tenir sur la prétendue transmission du secret atomique par les Rosenberg, en lisant les mémoires du "maître-espion" de Staline, Pavel Soudoplatov. Celui-ci revendique hautement ses actions : par exemple l'organisation de l'assassinat de Trotsky. En revanche, quand il n'y est pour rien il le déclare également : par exemple la mort à Paris du fils de Trotsky, Léon Sédov.
Or, il est plus que réservé sur les Rosenberg. D'après lui, ils avaient été recrutés en 1938 mais ne furent que des "comparses".
Greenglass fut coincé après avoir reçu la visite d'un autre agent démasqué peu après. Pour Soudoplatov, les Rosenberg étaient "un couple naïf, coupable d'excès de zèle dans son désir de coopérer avec nous, mais qui ne nous avait jamais révélé aucun secret dont nous puissions tirer parti."

Il ressort de tout cela que si les accusations concernant les secrets atomiques étaient montées de toute pièce, celles d'appartenir à un réseau soviétique ne reposaient pas sur rien... En fait les dirigeants américains devaient savoir tout cela car, comme le remarque Soudoplatov, s'ils avaient cru aux aveux de Greenglass, ils auraient dû commencer par filer en permanence le couple suspect pour trouver ses chefs et évaluer l'importance de ce qu'il tranmettait.
Mais, ajoute-t-il, le FBI s'est comporté dans cette affaire absolument comme le NKVD :
il a négligé le côté "professionnel" pour ne privilégier que le côté "politique"...

Les deux enfants d'Ethel et Julius, Michael et Robert, furent adoptés par Abel Meeropol (14.02.1903 - 1986) et son épouse Anne qui vivaient à Hastings-on-Hudson. Abel Meeropol [1], enseignant et syndicaliste, auteur de centaines de poèmes, de chants et de livrets d'opéra, avait écrit en 1938, sous le pseudonyme de Lewis Allan, "Strange Fruit" [1, 2], un extraordinaire poème et "protest song" parlant du lynchage à mort des noirs par les blancs dans les états du sud des Etats-Unis.
"Strange fruit" fut enrégistré en 1939 par l'émouvante chanteuse noire Billie Holiday (1915-1959) et plus tard par Nina Simone.
Un film intitulé "Strange fruit" [1, 2, 3], réalisé en 2001 par Joel Katz, a été primé.

Un film intitulé Heir to an execution, réalisé par Ivy Meeropol, l'aînée des petit-enfants de Julius et Ethel / bibliography / info

Robert Meeropol, un des deux fils des Rosenberg, a écrit un livre qui parle de l'exécution de ses parents et de sa vie politique :
An Execution in the Family: One Son’s Journey (New York : St. Martin's Press, 2003)

We are your sons : the legacy of Ethel and Julius Rosenberg
written by their children, Robert and Michael Meeropol
Imprint Urbana : University of Illinois Press, 1986

Cette page a été largement inspirée par un texte de Jean-Michel Krivine

  • www.rosenbergtrial.org : accueil, site map
  • Le Monde diplomatique (avril 2002) : faux témoin
  • www.fiftiesweb.com : the Rosenberg file
  • en.wikipedia.org : Ethel & Julius Rosenberg
  • lire aussi ce texte

  • une émission tv de France 5 donne un son de cloche différent...

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