L'histoire du Liban (source : Encyclopédie Encarta)

1.L'Antiquité
L'histoire ancienne du Liban est celle de la Phénicie. Après avoir atteint leur apogée au Xe siècle av. J.-C., les cités phéniciennes comme Byblos, Sidon ou Tyr, qui connurent la domination des Assyriens puis des Babyloniens, s'hellénisèrent durant l'ère séleucide (à partir du IVe siècle av. J.-C.). En 64 av. J.-C., Pompée conquit la Phénicie et l'annexa à l'Empire romain, dans la province de Syrie. Durant cette période, les cités renouèrent avec la prospérité, le commerce reprit son essor. Les temples de Baalbek témoignent aujourd'hui d'une culture brillante. L'araméen se diffusa parmi la population. La christianisation progressa après le partage de l'Empire romain, en 395 apr. J.-C., lorsque la région échut à Byzance.

2.La conquête musulmane
En 635, les troupes arabo-musulmanes des Omeyades conquirent le pays. Le mont Liban fut intégré à la région militaire arabe de Damas. Au XIe siècle, les druzes trouvèrent refuge dans le sud de la montagne libanaise, dont la partie nord était habitée par les maronites; dès lors, une mosaïque de communautés religieuses habita la région. De 1099 à 1291, les croisés dominèrent le pays et établirent des royaumes chrétiens divisés entre le comté de Tripoli, au nord, et le royaume latin de Jérusalem, au sud. Les mamelouks d'Égypte menèrent la reconquête musulmane du Liban à la fin du XIIIe siècle; Beyrouth, définitivement reprise en 1291, devint un port de commerce actif.

3.La domination ottomane
3.1.La mise en place d'une administration mixte En 1516, les Turcs ottomans ravirent aux mamelouks toute la côte de la Méditerranée orientale. Tandis que les élites urbaines devenaient les fonctionnaires de l'Empire ottoman, les « émirs de la montagne druze » régnaient sur le mont Liban, largement autonome par rapport à la Sublime Porte. Cette autonomie fut rendue possible par le processus d'intégration socio-économique des communautés druzes, maronites et chiites. La grande féodalité druze donnait sa structure à l'entité libanaise, tandis que la paysannerie maronite, qui connaissait une forte croissance démographique, assurait sa prospérité. Le XVIe siècle fut aussi celui de l'ouverture du clergé maronite sur l'Europe de la Renaissance. La première dynastie de l'émirat libanais fut druze : elle débuta avec les Banu Maan. Le règne de Fakhr al-Din (1585-1635) fut le plus brillant : la montagne libanaise sortait de son isolement; une alliance fut même conclue avec le duché italien de Toscane. Le pouvoir passa ensuite aux mains d'une dynastie sunnite, celle des Chehabides (1697-1842), qui se convertit au christianisme maronite au début du XVIIIe siècle. Cette conversion illustre la remarquable perméabilité des communautés libanaises - pratiquement inexistante dans les autres territoires du Proche-Orient ottoman. Pourtant, le règne de Béchir II Chehab (1788-1840) devait être le prélude à la première crise intercommunautaire. Ce dernier, en effet, mena une politique d'abaissement de la féodalité druze (qui visait notamment la famille des Joumblatt). En 1831, il s'allia avec le vice-roi d'Égypte Méhémet Ali qui s'était lancé dans la conquête du territoire syrien et menaçait la puissance ottomane. Les entreprises militaires de Béchir II étaient financées par l'impôt, dont le poids accablait les paysans maronites et chiites. Les druzes mirent à profit le mécontentement des populations de la montagne pour obtenir, en 1840, la déposition de l'émir, avec l'appui de la Sublime Porte et des puissances européennes, dont l'influence locale grandissait. 3.2.Les prémices de la partition communautaire De 1840 à 1860, la montagne libanaise fut ensanglantée par les affrontements entre druzes et maronites. C'en était fini de la symbiose entre communautés, et, par voie de conséquence, de l'autonomie libanaise. Les Ottomans jouaient désormais un rôle plus direct, mais les réformes inspirées du modèle européen (Tanzimat) venaient trop tard. La rupture entre les communautés avait été favorisée par la politique de Béchir II. La rivalité entre les puissances européennes, française et britannique, qui convoitaient les territoires ottomans, joua également un rôle dans les massacres intercommunautaires : la première soutenait la communauté maronite - Napoléon III envoya 6 000 hommes pour protéger les chrétiens - tandis que la seconde appuyait la féodalité druze. Pour la première fois, en 1841, le mont Liban fut divisé en deux territoires, sur une base confessionnelle : les maronites étaient concentrés au nord, les druzes, au sud. Les affrontements prirent fin, en 1864, avec la signature d'un accord mettant en place une nouvelle administration. Celle-ci fut imposée aux Ottomans par les puissances européennes concernées par la question d'Orient (la France, la Grande-Bretagne, l'Autriche-Hongrie, la Russie). Selon ce protocole, un Petit-Liban fut constitué, tandis que les périphéries nord et sud du mont Liban et de la Bekaa furent rattachées à la province ottomane de Syrie. Le statut du Petit-Liban jetait les bases de la partition confessionnelle de la vie politique : sa gestion en était confiée à un gouverneur ottoman, nécessairement chrétien, placé sous le contrôle des consuls européens. Une assemblée délibérante siégeait auprès du gouverneur; les membres en étaient des représentants des communautés religieuses. Le nouveau système politique était donc fondé sur la représentation des diverses communautés.

4.Le mandat français
Les Ottomans, entraînés par le jeu des alliances dans la Première Guerre mondiale aux côtés des Empires centraux, suspendirent l'autonomie du Liban dès 1914. Les mouvements réclamant l'indépendance se développèrent et une première révolte arabe, soutenue par les Britanniques, éclata. À l'issue du conflit mondial, le traité de Sèvres (1920) régla le sort de l'Empire ottoman défait et définit les frontières actuelles du Liban. Les accords secrets Sykes-Picot, conclus entre Français et Britanniques dès 1916, avaient placé le pays dans la zone d'influence française au Proche-Orient. Ainsi, en avril 1920, la France se vit confier un mandat de la Société des Nations (SDN) sur le Liban. Les maronites obtinrent d'elle le rattachement des plaines demeurées sous contrôle direct de l'Empire ottoman. Pour la première fois étaient réunies les deux entités géographiques et culturelles qui avaient eu jusqu'alors des trajectoires différentes. Cette unification n'alla pas sans tensions. La création du Grand-Liban, le 1er septembre, s'opposait au projet des nationalistes arabes syriens d'une Grande-Syrie, auquel était favorable les sunnites. Cette question territoriale et politique devait resurgir après l'arrivée au pouvoir à Damas d'Hafez al-Assad et déterminer en grande partie la politique syrienne durant le conflit libanais, à partir de 1975. Le Grand-Liban fut doté, en 1926, d'une Constitution qui instaurait une République et consacrait la partition sur une base confessionnelle : le chef de l'État serait un chrétien maronite, le chef du gouvernement, un musulman sunnite, le président de la Chambre, un musulman chiite. Sous le mandat français, les villes se modernisèrent et Beyrouth, capitale et siège du haut-commissaire français, s'étendit, sous la pression démographique due à l'immigration arménienne et kurde. La domination, politique et économique, des maronites s'affirma, favorisée par les Français. Le mandat fut confirmé par l'Acte de Londres, le 24 juillet 1922, mais il n'allait pas résister aux volontés indépendantistes. Reconnue en 1936, l'indépendance du pays, proclamée en 1941 par le général Catroux, ne fut effective qu'en novembre 1943; cependant les dernières troupes françaises ne quittèrent le Liban qu'en 1946.

5.Les années prospères
5.1.Le Pacte national L'existence du nouvel État fut scellée par la conclusion du Pacte national, le 7 octobre 1947 : les maronites renonçaient à se placer sous protection occidentale tandis que les sunnites abandonnaient tout projet d'intégration au sein d'une entité arabe ou musulmane plus large. Mais le Pacte national figeait également le système politique. Druzes, chiites et communautés chrétiennes minoritaires étaient marginalisés, le partage du pouvoir profitant aux seuls maronites et sunnites. Sur le plan de la politique extérieure, le consensus prévalut également : le Liban adhéra à la Ligue arabe dès 1949 mais maintint ses liens privilégiés avec l'Occident, et affirma toujours sa spécificité au Proche-Orient. Démocratie parlementaire moderne, le Liban n'en demeurait pas moins dominé par les élites, issues des grandes familles qui pratiquaient le népotisme et, parfois, la corruption. Les partis politiques qui se constituèrent étaient davantage des réseaux clientélistes, formés sous l'autorité d'un chef de clan. Les rivalités politiques n'opposaient pas seulement les communautés : elles dressaient, au gré des alliances claniques, les grandes familles les unes contre les autres, chacune contrôlant un territoire, une ville. De 1943 à 1952, le président Bichara el-Khoury dirigea le pays avec son Premier ministre, Ryad Solh. Pourtant, durant plus de trente ans, le Liban connut une période de grande prospérité, qui ne profita cependant pas à toutes les communautés. Les chiites et les Palestiniens, qui avaient afflué sur le territoire libanais depuis 1948, n'en retirèrent guère d'avantages. À la suite d'élections frauduleuses, en 1947, un front d'opposition se développa et contraint Bichara el-Khoury à démissionner en septembre 1952; un nouveau président, Camille Chamoun, fut porté au pouvoir. Celui-ci, assisté par Sami Solh, chef du gouvernement, entama une politique de réformes (nationalisations, réorganisation de la justice) et rompit avec une politique extérieure équilibrée entre le monde arabe et l'Occident, inscrite dans le Pacte national; il resserra les liens avec les pays occidentaux et approuva publiquement la doctrine Eisenhower d'endiguement du communisme. 5.2.Une situation fragile Les frustrations et les oppositions intercommunautaires s'exaspérèrent dans les années cinquante, dans un contexte régional tendu, marqué par la crise de Suez en 1956. Le nationalisme arabe, qui avait trouvé en Israël un nouveau catalyseur après le retrait des puissances coloniales européennes, était porté à son comble. En 1958, nombreux furent les musulmans libanais à applaudir à la création de la République arabe unie (RAU), rapprochant l'Égypte et la Syrie. En mai 1958, une insurrection éclata parmi les musulmans, menée par le dirigeant sunnite Rachid Karamé et dirigée contre le président Camille Chamoun, accusé d'avoir manipulé les élections législatives de juin 1957. Le soulèvement opposa partisans et adversaires de la RAU, et de fait, musulmans et chrétiens au cours d'affrontements armés. Après que la monarchie irakienne eut été renversée, en juillet 1958, par les progressistes baasistes, le président Chamoun obtint le débarquement de 15 000 marines américains de la VIe flotte. La stabilité du Liban était devenue un enjeu géopolitique majeur pour les grandes puissances. Le commandant en chef de l'armée libanaise, Fouad Chéhab, très populaire dans le pays, fut élu à la présidence de la République après le départ de Camille Chamoun. La crise de 1958 avait coûté la vie à plus d'un millier de personnes. Le président Chéhab, toutefois, mena une politique de réconciliation en rééquilibrant la répartition des postes dans la fonction publique (au profit, surtout, des sunnites), lança des réformes sociales, promulgua une nouvelle loi électorale et consolida l'État. En politique étrangère, il améliora les relations avec l'Égypte de Nasser. Il fut, durant les six ans de son mandat, constamment en butte à l'hostilité de la classe politique traditionnelle. Lassé des manoeuvres des chefs de clan, il renonça, en 1964, à se présenter devant les électeurs pour un nouveau mandat.

6.La tourmente proche-orientale
6.1.Les réfugiés palestiniens Le Liban, dont deux bataillons de l'armée avaient pris part à la première guerre israélo-palestinienne (1948-1949), s'en tint à une solidarité diplomatique avec les États arabes durant la guerre des Six-Jours, en 1967, ce qui le plaça dans une situation marginale par rapport aux autres États arabes. Ce conflit, pourtant, devait avoir de profondes répercussions dans le pays. L'occupation par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza provoqua un nouvel afflux de réfugiés palestiniens dont le nombre augmenta encore après la répression, par l'armée jordanienne, des résistants palestiniens en septembre 1970. En 1949, environ 140 000 Palestiniens s'étaient réfugiés dans le sud du Liban; à l'été 1971, ils étaient estimés entre 250 000 et 500 000. Or, le 3 novembre 1969, à la suite d'affrontements entre Palestiniens et armée libanaise, le gouvernement libanais avait, par les accords du Caire, reconnu le droit de cité aux fedayin (« combattants ») de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), ainsi que leur extraterritorialité. Ceux-ci trouvèrent refuge sur le territoire libanais à partir duquel ils multiplièrent les attaques contre Israël qui, à son tour, mena des représailles au-delà de la frontière. 6.2.La situation intérieure La présence des réfugiés palestiniens sur le sol libanais et la lutte entre l'OLP et Israël fut au coeur des débats politiques. Deux tendances se dégagèrent : d'un côté, les libanistes qui souhaitaient la fin des combats menés par les fedayin - leur tendance se regroupa parmi les milices des Kataëb ou Phalanges libanaises -, de l'autre côté, les arabistes qui soutenaient les Palestiniens et constituèrent, en 1972, le Front arabe de participation à la résistance. En août 1970, Soleiman Frangié fut élu président de la République. Cette période fut marquée par l'émergence de mouvements intellectuels de gauche qui soutenaient la résistance palestinienne et prônaient la laïcisation du régime par la fin de la confessionalisation du système politique. Les années soixante-dix se caractérisèrent également par une crise économique et sociale. La contestation de la population s'exacerba à travers des mouvements de grève et des manifestations. La défaite arabe de 1967 avait été celle du nationalisme nassérien. Le projet islamiste d'unification du monde musulman s'en trouvait conforté; il pouvait se substituer à celui du dirigeant égyptien. Les groupes islamistes radicaux montrèrent dès lors leur force au grand jour. La guerre du Kippour, en 1973, ne fit que confirmer cette évolution. Au cours de ce conflit, le Liban soutint l'Égypte et la Syrie. Les mouvements palestiniens, chiites et druzes constituèrent progressivement un front objectif contre l'hégémonie politique et économique des chrétiens, et, dans une moindre mesure, des sunnites. Les accrochages se multiplièrent avec les Kataëb, les Phalanges armées maronites fondées en 1936 par Pierre Gemayel.

7.La guerre du Liban
7.1.Un conflit généralisé Le 13 avril 1975, des accrochages entre phalangistes et membres de l'OLP marquèrent le début d'une guerre longue de quinze années. À partir du mois d'août, le conflit se généralisa, opposant les différentes milices chrétiennes et l'armée libanaise, d'une part, aux combattants palestiniens et aux mouvements islamo-progressistes, d'autre part. Le gouvernement avait perdu toute autorité; le pouvoir appartenait aux factions, structurées pour une large part autour des clans traditionnels. Avec l'approbation de la droite chrétienne, le président Frangié demanda en 1976 l'intervention de la Syrie, qui trouva là l'opportunité d'occuper le pays - les troupes syriennes pénétrèrent dans Beyrouth en novembre - et surtout de lutter contre la montée en puissance des Palestiniens, dont le projet national constituait un obstacle à la formation d'une « Grande Syrie ». Les Syriens, qui avaient d'abord soutenu le Mouvement national libanais - rassemblant Palestiniens et progressistes musulmans libanais sous la direction du druze Kamal Joumblatt -, se portèrent au secours des chrétiens, alors en position de faiblesse. Ils devaient se retourner à partir de 1978 contre ces derniers. Beyrouth fut partagée par une « ligne verte » séparant l'Est chrétien de l'Ouest musulman. Le pays était lui-même morcelé en unités territoriales tenues par les chefs de guerre. Le 16 octobre 1976, une conférence se tint à Riyad avec les représentants de l'OLP, du Liban, de l'Arabie saoudite, de l'Égypte et du Koweït qui entérina la présence des troupes syriennes sur le sol libanais et mit fin aux hostilités. Elle fut suivie, le 25 octobre, d'un sommet de la Ligue arabe au Caire qui créa une Force arabe de dissuasion, composée en majorité de soldats syriens. 7.2.L'intervention des Occidentaux La violence continua néanmoins. En 1977, Kamal Joumblatt fut assassiné. De nouveaux affrontements se déroulèrent entre l'armée syrienne et les milices chrétiennes. En juin 1978, Tony Frangié, le fils de l'ancien président, fut assassiné et de profondes divisions apparurent entre le Front libanais et les phalangistes de Pierre Gemayel allié à Camille Chémoun, d'une part, et la tendance représentée par Soleiman Frangié, d'autre part. Dès le mois de mars 1978, Israël envahit le sud du Liban pour tenter de détruire les bases palestiniennes. Les Palestiniens furent repoussés au nord du Litani. Les Nations unies envoyèrent une force d'interposition : la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), mais Israël maintint son soutien aux maronites et ses attaques contre les bases de l'OLP au Liban. Le 18 avril 1979, le général Saad Haddad, qui avait rompu avec l'armée libanaise, proclama un « État du Liban-Sud ». Cette même année vit le triomphe, à Téhéran, de la révolution chiite menée par l'ayatollah Khomeiny. L'Iran devint alors l'un des acteurs régionaux du conflit libanais. Le régime des mollahs soutint sans discontinuer la milice chiite islamiste du Hezbollah et les groupes terroristes du Djihad islamique, qui multiplièrent les attentats, au Liban mais aussi en Israël. En 1981, la Force arabe de dissuasion affronta les milices des Kataëb, soutenus par Israël. Les combats se multiplièrent jusqu'à l'établissement d'un cessez-le-feu le 24 juillet 1981. Les forces syriennes contrôlaient le nord et la plaine de la Bekaa, tandis que le sud et Beyrouth-Ouest était aux mains des progressistes et de l'OLP. Sur le plan politique, la situation était également chaotique : la difficulté étant de restaurer l'État. Béchir Gemayel (fils cadet de Pierre Gemayel), à la tête des Phalanges ou Forces libanaises, s'allia à Camille Chamoun et tous deux constituèrent le Front libanais, regroupant les Kataëb et les maronites. 7.3.L'intervention israélienne Le 6 juin 1982, le ministre de la Défense israélienne, Ariel Sharon, lança l'opération « paix en Galilée » dans laquelle furent engagés jusqu'à 100 000 soldats, qui traversèrent la ligne d'interposition tenue par la Finul et assiégèrent Beyrouth, où ils rejoignirent les Forces libanaises de Gemayel. Durant douze jours à partir du 1er août, la ville où était retranchée l'OLP, fut soumise à des bombardements intensifs. Le 20 août, un cessez-le-feu était obtenu par les États-Unis; près de 15 000 combattants de l'OLP furent évacués par les flottes des pays occidentaux. Après l'assassinat, en septembre, du président Béchir Gemayel, élu quatre mois plus tôt, les phalangistes massacrèrent plus d'un millier de civils palestiniens réfugiés dans les camps de Sabra et de Chatila, dans la zone contrôlée par Israël. Amine Gemayel fut élu en remplacement de son frère. Les massacres de Sabra et Chatila furent à l'origine d'une crise politique en Israël. Au Liban, ils provoquèrent l'intervention d'une Force multinationale de sécurité des Nations unies, composée de troupes françaises, américaines et italiennes. En mai 1983, un accord prévoyait la fin de l'état de guerre et le retrait des forces israéliennes, conditionné par celui des Palestiniens et des Syriens. Israël conservait cependant un droit de police au Liban-Sud. Pourtant les combats reprirent, les troupes syriennes attaquèrent les fedayin au cours du mois de juin. L'opération « paix en Galilée » avait marqué l'irruption du conflit dans les régions du Chouf et de Saïda, jusqu'alors relativement épargnées. À partir de septembre 1983, éclata la « guerre de la Montagne ». Les druzes menés par Walid Joumblatt, fils de Kamal Joumblatt, soutenus par des combattants palestiniens et par l'artillerie syrienne, repoussèrent les Forces libanaises. 7.4.Une situation de plus en plus confuse Deux attentats suicides, attribués aux groupes chiites radicaux, causèrent la mort de plus de 300 soldats américains et français le 23 octobre 1983. Avant de se retirer complètement en février 1984, la Force multinationale évacua les derniers combattants palestiniens assiégés dans Tripoli par les Syriens et les dissidents palestiniens opposés à l'al-Fatah de Yasser Arafat. En mars 1984, après plusieurs mois de négociations, les chefs politiques des principales communautés, réunis sous l'égide de l'Arabie saoudite et de la Syrie, s'accordèrent sur la formation d'un gouvernement d'union nationale présidé par Rachid Karamé et qui comptait parmi les ministres Camille Chamoun, Walid Joumblatt et Nabih Berri, dirigeant du mouvement chiite « progressite » Amal depuis la disparition, en 1978, de son fondateur l'imam Musa Sadr. Israël se retira en 1985, cédant le contrôle de la zone de sécurité à ses alliés chrétiens, l'Armée du Liban-Sud (ALS). De son côté, le Hezbollah chiite, soutenu par l'Iran, prit pour cible l'ALS, mais également Amal et les progressistes laïques. Les enlèvements d'Occidentaux se multiplièrent. En février 1987, alors que le mouvement Amal affrontait ses anciens alliés progressistes dans Beyrouth-Ouest, la Syrie dépêcha 7 000 hommes en renfort dans le secteur musulman. L'armée syrienne opéra la réunification de la capitale libanaise. Les Syriens menèrent, alors, par l'intermédiaire d'Amal une nouvelle « guerre des camps », assiégeant durant trente mois, de juin 1985 à mars 1988, les camps palestiniens de Borj al-Barajneh, de Sabra et Chatila et de Rachidiyé. Lorsque le mandat présidentiel d'Amine Gemayel expira en septembre 1988, aucun accord n'avait été trouvé pour la désignation de son successeur. Il nomma alors le commandant des armées, le général chrétien Michel Aoun, à la tête du gouvernement provisoire. En fait, les factions chrétiennes et musulmanes mirent chacune en place leur propre administration; le gouvernement conduit par le sunnite Selim el-Hoss refusant de démissionner s'installa dans Beyrouth-Ouest. En mars 1989, le général Aoun lançait une « guerre de libération » contre la Syrie qui acheva de ruiner le pays et s'accompagna d'affrontements meurtriers avec les Forces libanaises, désormais dirigées par Samir Geagea. 7.5.Reprise du contrôle par la Syrie En octobre 1989, sous l'égide du Maroc, de l'Algérie et de l'Arabie saoudite, 59 députés libanais (sur 79 encore vivants) s'accordèrent sur un projet de réforme constitutionnelle, prévoyant un rééquilibrage des pouvoirs, et à terme l'abolition du confessionnalisme. En novembre, ces accords signés à Taëf, en Arabie saoudite, furent ratifiés par le Parlement, qui élut René Mouawad à la présidence. Ce dernier fut assassiné dix-sept jours plus tard et le Parlement désigna un autre maronite, Elias Hraoui, pour lui succéder. En octobre 1990, les troupes syriennes et l'armée libanaise régulière mirent en déroute les forces armées demeurées fidèles à Aoun. Par la suite, l'armée libanaise, soutenue par la Syrie, reprit le contrôle de la majeure partie du pays, désarma les milices et chassa l'OLP de ses bastions dans le Sud-Liban. Le retour progressif à la paix coïncida avec le déplacement des conflits proche-orientaux vers le golfe Arabo-Persique, d'une part, et avec les progrès du processus de paix entre Israël, Palestiniens et pays arabes, d'autre part. En mai 1991, la Syrie et le Liban signèrent un traité d'amitié et de coopération, confirmant les termes des accords de Taëf qui comportaient un volet sur les relations entre les deux pays : la Syrie pouvait demeurer au Liban jusqu'à la mise en application de toutes les réformes constitutionnelles prévues et jusqu'au retrait israélien du Liban-Sud. Le traité prévoyait également l'harmonisation des politiques économiques, culturelles et extérieures des deux pays.

8.Le Liban en paix
Le bilan de quinze ans de guerre est difficile à établir. Le conflit libanais aurait fait quelque 150 000 victimes libanaises depuis 1975. La reconstruction économique du pays a été engagée rapidement, mais l'établissement d'un système politique accepté par tous semble plus difficile, comme en témoigne le boycottage des élections de 1992 par les chrétiens. La tutelle qu'exerce de facto la Syrie sur le Liban, renforcée par la victoire de ses partisans aux législatives de septembre 1996, entame aux yeux d'une partie de la population la légitimité du nouveau pouvoir, composé depuis 1992 d'Elias Hraoui à la présidence de la République, de Rafic Hariri à la tête du gouvernement et de Nabih Berri à la présidence de l'Assemblée. La présence au Liban-Sud du Hezbollah, soutenu par l'Iran et la Syrie, et de l'ALS - qui n'ont pas été désarmés - de part et d'autre de la zone contrôlée par Israël, fragilise également la paix. L'accord conclu en juillet 1993, prévoyant la fin des attaques à la roquette du Hezbollah contre le nord d'Israël et l'arrêt des bombardements israéliens au Liban-Sud, n'a guère été respecté. En avril 1996, répondant à des attaques du Hezbollah, Israël lança l'opération « Raisins de la colère ». L'aviation israélienne bombarda ainsi les bases du Hezbollah, ainsi que des objectifs civils au Liban, jusque dans le sud de Beyrouth. Au moins 100 personnes trouvèrent la mort sous les bombardements, alors qu'elles s'étaient réfugiées dans un camp de la Finul, situé à Cana, près de Sour. Un nouvel accord de cessez-le-feu au Liban-Sud fut négocié, le 26 avril, sous l'égide des États-Unis et de la France, qui reconduisait l'accord de 1993, mais établissait un contrôle d'un comité international. L'évolution de la situation au Liban est étroitement liée à la poursuite des négociations de paix entre Israël, Palestiniens et pays arabes, en particulier la Syrie. Ainsi, en avril 1998, l'offre israélienne de retirer sous condition son armée de la zone qu'il contrôle dans le sud du Liban, comme l'exige la résolution 425 du Conseil de sécurité de l'ONU, a été repoussée par les dirigeants libanais et syriens, ces derniers ne voulant pas dissocier cette question de celle relative à la restitution du Golan annexé en 1981. En novembre 1998, le général Émile Lahoud a succédé à Élias Hraoui à la présidence de la République. En décembre, Rafic Hariri ayant refusé de former un nouveau gouvernement, est remplacé par Sélim Hoss. Par ailleurs, dans le Sud, la milice proisraélienne s'est retirée de la zone de Jezzine et la pression des milices Hezbollah a reposé avec acuité le problème du retrait des forces israéliennes de la zone dite « de sécurité ». Le 5 mars 2000, le gouvernement israélien vote une résolution prévoyant le retrait des forces armées israéliennes des territoires qu'elles occupent au sud du Liban au plus tard en juillet 2000. Mais, en raison de l'intensification des attaques du Hezbollah, l'armée israélienne commence son retrait dès le mois de mai. Des soldats de l'Armée du Liban-Sud (ALS) commencent à déserter, inquiets de leur sort après le départ de Tsahal du sud du Liban. Le chef de l'ALS demande une amnistie pour les combattants. Le 23 mai, Ehoud Barak annonce le retrait total des troupes israéliennes de la zone de 850 km² occupée au sud du Liban. Les combattants de l'ALS se rendent aux milices du Hezbollah ou se réfugient avec leur famille en Israël. Le Hezbollah et des milliers de villageois exilés occupent aussitôt les villages désertés par l'ALS. Les prisonniers libanais détenus dans la prison de Khiam, gérée par l'ALS, sont libérés. Ce retrait précipité prend de court les Nations unies, qui avaient prévu de déployer dans le territoire abandonné par Israël une force d'interposition, la Finul, chargée d'aider les autorités libanaises à prendre le contrôle de cette région. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans un discours prononcé le 26 mai, appelle les différentes communautés, musulmanes et chrétiennes du Liban à s'unir pour reconstruire le Liban de demain. L'organisation islamiste assure qu'elle n'a pas l'intention de se substituer à l'État. Par contre, elle exige l'évacuation par Israël des hameaux de Chebaa, un territoire occupé par Israël depuis 1967 mais qui, selon l'ONU, est en territoire syrien, et la libération des détenus libanais en Israël. Fin mai, les Casques bleus de la Finul commencent à patrouiller dans l'ancienne zone occupée par Israël.