Serge Reggiani : textes de chansons De très beaux textes pour de très belles chansons... N'hésitez à acheter les disques ou les CDs... c'est excellent ! ________________________________________________________________________________ 1901 - Où sont-ils ? Que font-ils ? Paroles: Claude Lemesle -------------------------------------------------------------------------------- Sur l'écran des gens au pas de course Sur le quai où les porteurs s'essoufflent Un convoi dont la machine souffre C'est le va-et-vient quotidien Le train-train des gens de 1901 Un peu plus tôt de beaux messieurs trop graves Découvraient en vrai dans une cave La magie du cinématographe Un vieux jardinier arrosé Par un garnement à l'œil amusé Où sont-ils? Que font-ils? Ces passants qui ont vu naître Le printemps de ce temps Que nous voyons disparaître Comme ces gens pressés Figurants de l'insolite Le progrès qui passait Allait-il un peu trop vite? Un curieux monsieur portant moustache Fait des ronds dans l'air du temps qui passe Part sur un chemin et tout s'efface Un petit bonhomme fait le plein Dans les cinés de 1920 Vingt ans plus tard Les stars se font la guerre Un acteur qui pleure sous les lumières Et un fou qui joue avec la terre ________________________________________________________________________________ Arthur... Où t'as mis le corps? Paroles: Boris Vian, Musique: Louis Bessières 1958 © 1958 -------------------------------------------------------------------------------- Ce fut un forfait parfait Un vrai forfait bien fait Car on est des fortiches Le client était buté Alors on l'a buté Pour faucher ses potiches C'est Arthur qui fut chargé De se débarrasser De son cadavre moche Mais Arthur a rappliqué En murmurant: ça cloche Ch'sais pas où il est passé - Hein? Arthur... Où t'as mis le corps Qu'on s'est écriés-z-en chœur - Ben... j'sais pus où j'l'ai foutu, les mecs - Arthur? Réfléchis, nom de d'là... ça une certaine importance C'que j'sais, c'est qu'il est mort Ça, les gars, j'vous l'garantis Mais, bon sang, c'est trop fort J'me rappelle pus où j'l'ai mis - Oh... Mais l'marchand d'antiquités Avant d'être liquidé Avait pris l'bigophone Et nous filons dans la brousse Un car de flics aux trousses On la trouvait moins bonne On a loupé un tournant Et on se r'trouve en plan Au milieu d'une vitrine Les poulets s'amènent en tas Et puis ils nous cuisinent Dans la p'tite pièce du bas - Ouille! Arthur! Où t'as mis le corps S'écriaient les inspecteurs - Ben... j'sais pus où j'l'ai foutu, les mecs... - Arthur! Réfléchis, nom de d'là! Ça a une certaine importance... C'que j'sais, c'est qu'il est mort Ça, les gars, j'vous l'garantis Mais, bon sang, c'est trop fort J'me rappelle pus où j'l'ai mis - Alors, y a plus de preuves... On a écopé dix ans C'est plus que suffisant Pour apprend' la belote On n'pouvait pas s'empêcher De toujours questionner Notre malheureux pote Comme il maigrissait beaucoup On cognait plutôt mou Pour pas trop qu'il s'étiole Mais en nous-mêmes on pensait Arthur se paie not' fiole Il nous fait tous marcher - Tu vas causer, oui? Arthur! Où t'as mis le corps Qu'on sussurait en douceur - Ben... j'sais pus où j'l'ai foutu, les mecs... - Arthur! Réfléchis, nom de d'là! Ça a une certaine importance... Arthur, où t'as mis le corps Tous les jours on lui d'mandait Arthur il en est mort Et on sait pas où il est passé... - Ah, mince alors! - Allons mes enfants, votre copain Arthur où l'avez-vous mis? - Dites-le à votre bon petit directeur... Aucun d'nous n'se rapp'lait plus Ce qu'on avait foutu De cet Arthur de merde Et le directeur furax Attrappait des antrax A l'idée qu'il se perde On a fait v'nir un devin Qui lisait dans les mains Et même dans les oreilles Mais comme tout ça donnait rien Un beau soir on essaie Le spiritisme ancien - Ça tourne, les enfants! - Arthur... Es-tu là? - Oui, les gars - Arthur, où t'as mis ton corps - J'ai pus de corps, les gars - Arthur... As-tu du cœur? - Belote, les gars... Rebelote, et dix de der... Et on a enfin compris Que ce salaud d'Arthur Etait au Paradis!!! Un petit bonhomme fait le plein Sur une place au cœur de Berlin Où sont-ils? Que font-ils? Ces passants qui ont vu naître Le printemps de ce temps Que nous voyons disparaître Comme ces gens pressés Ces géants de l'insolite Le progrès qui passait Allait-il un peu trop vite? Sur l'écran des gens au pas de course Sur le quai où les porteurs s'essoufflent Un convoi dont la machine souffre C'est le va-et-vient quotidien Le train-train des gens de 1901 ________________________________________________________________________________________________________________ Ballade pour un traitre Paroles: Maxime le Forestier, Musique: Louis Bessières -------------------------------------------------------------------------------- Qui donc t'a fait reprendre Les routes de Judée Judas qui ne jurait Que par les filles tendres Que par les filles tendres Qui donc a fait descendre De Nazareth un soir Une juive aux yeux noirs Cheveux de palissandre Cheveux de palissandre Son corps était à prendre Pour quelques pièces d'or Toi, tu couchais dehors Où tu pouvais t'étendre Quand tu pouvais t'étendre Pauvre Judas qui tendait les mains Judas le mendiant, Judas les mains vides Qui t'a rappelé tous les parricides Qui se sont commis pour quelques putains Tu es allé surprendre Au Mont des Oliviers Le seul bien d'amitié Qu'il te restait à vendre Qu'il te restait à vendre L'avais-tu fait attendre? Enfin, elle est partie En laissant dans son lit La corde pour te pendre La corde pour te pendre ________________________________________________________________________________________________________________ Bonne figure Paroles: Stéphan Reggiani, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Quand tu foutras le camp Car tu foutras le camp Quand te viendra du vent Dans les voiles Quand les palpitements Le temps de quelque temps S'en iront doucement En trimballe Emporte loin d'ici Les draps de notre lit Et la nappe salie De la table Pourquoi pas Je ferai bonne figure Quand bien même pour toi Le pour qui le pour quoi N'auraient que "parce que" En réponse Quand tu me quitteras Dis-moi que tu t'en vas Pour aller retrouver D'autres mondes Ne me détrompe pas Ne me détourne pas Fasse que ma folie Vagabonde Pourquoi pas Je ferai bonne figure Quand tu me reviendras Si tu me revenais Quand tu me sentiras Trop seulâbre Quand, de ton feu follet Par quelques ricochets Tu me rebrûlerais Près de l'âme Toi, ma drôle de vie Qui parfois me souris Je te dirais merci Du voyage Pourquoi pas J'aurais fait bonne figure ________________________________________________________________________________________________________________ Ce n'est pas moi qui chante Paroles: Jacques Prévert, Musique: Dominique Pankratoff -------------------------------------------------------------------------------- Ce n'est pas moi qui chante C'est les fleurs que j'ai vues Ce n'est pas moi qui rit C'est le vin que j'ai bu Ce n'est pas moi qui pleure C'est mon amour perdu ________________________________________________________________________________________________________________ C'est dans combien ? - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Elle joue à la souris Devant son Macintosh Sans voir passer un chat Pourtant y a rien qui cloche Du cul jusqu'au Q.I. C'est une fille comme ça ! La la la la la la Pendue au téléphone Entre ici et quelqu'un Elle décalage horaire Mais c'est avec personne Qu'elle s'envoie du Chopin Dans son fauteuil Voltaire Et quand le soleil déteint Une drôle d'envie la branche, Y a des biberons, des couffins partout Une petite voix qui vient Chatouiller ses nuits blanches " C'est dans combien Qu'on a rendez-vous ? " Elle pique un soixante mètres Sur ses talons aiguilles Le temps la fuit déjà De gageures en gadgets Sa vie se remaquille Au pied d'un agenda La la la la la la Perdu dans son studio, Entre ciel et coussins Elle cuisine en jarretelles Mais c'est sans Roméo, Qu'elle lit des Harlequin En fumant des Camel La la la la la la Et quand le soleil s'éteint Son rêve la relance Y a des ballons, des câlins surtout Une petite voix qui vient Chatouiller ses silences : " C'est dans combien Qu'on se fait des bisous ? " Et quand le soleil déteint Dans une image immense Y a un bébé grand comme rien du tout Une petite voix qui vient Piétiner d'impatience : " C'est dans combien Qu'on a rendez-vous ?" ________________________________________________________________________________________________________________ De velours et de soie Paroles: Boris Vian, Musique: Dominique Pankratoff -------------------------------------------------------------------------------- Les fleurs sauvages Les océans du monde Les îles blondes M'avaient toujours tenté Finis les grands voyages Finis les ciels oranges Tous les frissons étranges Tu me les as donnés De velours et de soie Comme ta chair parfumée De lumière et de velours Comme tes yeux De rose et de lumière Comme le goût de ta bouche De sang et de rose fraîche Comme tes joues De feu, d'or et de sang Comme un baiser que tu me donnes D'argent de feu et d'or Comme ton corps qui s'abandonne De soleil et d'argent Tes cheveux dans le vent mauve De plaisir et de soleil Comme une nuit dans tes bras ________________________________________________________________________________________________________________ La derniere valse Paroles: Boris Vian, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Dernier journal Dernier croissant Matin banal Des passants Et c'est la fin du problème Dernier soleil Dernier atout Dernier café Dernier sou Adieu, je m'en vais de vous Dernier hôtel Dernier amour Dernier baiser Dernier jour Adieu, les choses que j'aime Dernier remords Dernier cafard Dernier décor Dernier soir Je m'en vais sans au revoir Dernière valse et pas de lendemain Mon cœur n'a plus de peine Dernière valse à l'odeur du jasmin Et les quais de la Seine Dernier bonsoir Un peu à vous Dernier espoir Dernier tout Dormez, la nuit est si calme Dernier trottoit Dernier mégot Dernier regard Dernier saut Plus rien qu'un grand rond dans l'eau. ________________________________________________________________________________________________________________ Dessin dans le ciel Paroles: C. Roy, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Si vous voulez savoir où je suis Comment me trouver, où j'habite C'est pas compliqué J'ai qu'à vous faire un dessin Vous n'pouvez pas vous tromper Quand vous entrez dans la galaxie Vous prenez tout droit entre Vénus et Mars Vous évitez Saturne, vous contournez Pluton Vous laissez la Lune à votre droite Vous n'pouvez pas vous tromper Quand vous verrez tourner dans les grands Terrains vagues d'espace Des spoutniks, des machins Des trucs satellisés Des orbites abandonnées La fourrière d'en haut La ferraille du ciel C'est déjà la banlieue La banlieue de la planète Où je passe le temps Vous continuez tout droit Là, vous verrez tourner une boule Pleine de plaies, pleine de bosses C'est la terre, j'y habite Vous n'pouvez pas vous tromper Vous vous laissez glisser le long du Groënland Qui fait froid dans l'dos Attention! Ça dérape... Vous prenez à gauche par la mer du Nord Et puis à droite par la Manche Et là, vous verrez un machin Qui ressemble à la tête d'un bonhomme En forme d'hexagone Avec un très grand nez Un nez qui n'en finit plus Un nez qui respire la mer Un nez, un nez en forme de Finistère C'est la France, j'y habite Vous ne pourrez pas vous tromper Vous continuez tout droit Jusqu'à un fleuve blond Qui s'appelle la Loire Les yeux couleur de sable Vous le prenez à gauche Et puis à droite, et puis tout droit Et quand vous êtes là Quand vous êtes là Demandez la maison Tout l'monde nous connaît Vous n'pouvez pas vous tromper Elle a les yeux comme ceci Et les cheveux comme cela Il y a sa bouche qui est là Et son sourire juste au coin Elle est toujours là où je suis Je suis toujours là où elle est Elle est la lampe, elle est l'horloge Mon feu de braise, mon lieu-dit Elle est ma maison, mon logis Et de toute façon quand vous aurez vu son sourire Vous ne pourrez pas vous tromper Parce que... Parce ce que... Parce que... C'est là! ________________________________________________________________________________________________________________ Du whisky au vichy - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Quand le soleil, comme une bulle Qu'un enfant crève, s'est éteint Et qu'on redevient noctambule On se sent bien Quand les lumières qui s'allument Ne brillent plus que tamisées On sent le chagrin et le rhume S'amenuiser Crois pas que ce soit le revers De ce décor où l'on s'ennuie Et qu'on ravale de travers Non, c'est la vie Alors les faibles ont des forces Alors les laids deviennent beaux Le monde est bien dans son écorce Dans sa peau De minuit à midi Du whisky au vichy De minuit à midi Du whisky au vichy Qu'on sorte seul ou bien en bande On n'est que l'amant de la nuit Et comme c'est elle qui commande On obéit Elle nous invite à l'arroser Mais comme elle boit pas très souvent On a vite fait de se payer Un foie géant Si on la trompe, elle s'en fait pas Le nuit sait bien que toute la vie C'est avec elle qu'on finira Toujours la nuit Alors quand on la fait attendre Pour un jour de juin ordinaire Elle nous murmure d'un air tendre: "Attend l'hiver..." De minuit à midi Du whisky au vichy De minuit à midi Du whisky au vichy La nuit, c'est la folie du sage C'est la magie du maladroit La porte ouverte de la cage Où tu as froid Ça rime avec ennui parfois Comme amour rime avec toujours Autant te dire que ça se voit Pas tous les jours C'est comme une vierge qui n'a Jamais vraiment su se garder Et qui retrouve toujours sa Virginité La nuit, c'est vrai qu'on fait la vie Jusqu'au moment où l'on s'endort Jusqu'au moment où pour la nuit On fait le mort... De minuit à midi Du whisky au vichy De minuit à midi Du whisky au vichy ________________________________________________________________________________________________________________ Edith Paroles: Jean Dréjac, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- J'écoute Edith, sur un phono Par hasard un disque en mono La chanson est de Marguerite... Qui n'a pas connu Gémini Ni les Minets, ni les mini- Jupes ou cerveaux qu'on nous débite Je connais la chanson par cœur Je ne vois pas pourquoi j'ai peur Soudain d'apprendre quelque chose De tragique et bête à la fois Qui n'existait pas autrefois Quand tu chantais "La vie en rose". Cela ne dépend pas de moi Tu chantes de la même voix Que tu as gravée dans la cire La chose est arrivée depuis Chez les vivants qui t'ont conduite Où l'on éclate plus de rire... En quoi cet instant de salut A deux refrains qui m'avaient plu Peut-il jeter en moi ce trouble Qui me laisse désemparé Comme si j'avais comparé Du Pommard avec du Chirouble... Edith, les enfants n'ont de toi Qu'une image tenue parfois De myopes intermédiaires... Et ils ne sauront jamais plus Ce que c'est que d'avoir perdu Sa lumière dans ta lumière... Que de t'avoir donné la main Ou le cœur un bout de chemin Que d'avoir effleuré ton rêve... Ils n'entendront que les échos Déformés de tous les bancos De ton existence trop brève... On est libre étant cabotin D'améliorer son picotin Avec des revers de médaille... Chacun s'arrange à sa façon, Souviens toi de Reims, de Soissons Et du cirque à tes funérailles... On force un peu plus simplement On vend son papa sa maman Avec plus ou moins d'aptitudes On a du monde autour de soi Ce n'est pas toujours avec joie Que l'on manque de rectitude. Heureux sont ceux qui ont brillé Edith, dans ton rêve éveillé C'est une merveilleuse histoire Lorsque l'on a rien qu'une fois Eut le droit de poser le bras Sur la soie de ta robe noire... Tu n'as pas connu Gémini Ni les minets ni le mini- Jupes ou cerveaux qu'on nous débite Mais tu chantes sur mon phono Par hasard un disque en mono... La chanson est de Marguerite ________________________________________________________________________________________________________________ Et puis... Paroles: Jean-Loup Dabadie, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Et puis... Et j'allais dire déjà L'enfance se fait lointaine Comme un pays d'où l'on s'en va Je ne vois plus qu'à peine Le rivage Mon amour, mon amour Avec toi j'appareille alors Pour autre part, our autre chose, à bord De ma quarantaine Et je t'emmène Là-bas dans une image Je t'aime Toi qui ne seras jamais Une grande personne Ne me quitte jamais Je t'aime Et puis... Comme on va en province Quand on aura fait la vie Nous irons à la soixantaine Dans la maison que j'aime En Provence Mon amour, mon amour Nous aurons fait l'amour et puis D'autres garçons bien avant les vieux jours Et les vieilles nuits Si tu es sage Tu auras des images Je t'aime Toi qui ne seras jamais Une grande personne Ne me quitte jamais Je t'aime Et puis... Mais ce n'est pas demain Il faudra que le soir vienne Je m'en irai sur le chemin Où nous attend la chienne Un par un Mon amour, mon amour Quand je serai dans les nuages C'est autre part, c'est autre chose, encore Mais sans toi, tu sais Je serai seul Là-bas dans l'autre image Je t'aime Moi qui ne serai jamais Une grande personne Ne me quitte jamais Je t'aime... ________________________________________________________________________________________________________________ Hotel des voyageurs Paroles: Jean-Loup Dabadie, Musique: François Bernheim -------------------------------------------------------------------------------- Sur la chaise une robe Rouge Sur la vitre les arbres d'octobre Bougent Comme au cinéma le décor Ressemble au drame que l'on joue... Une couleur vient sur ton corps Le jour se lève sur ta joue Je te regarde endormie Comme il fait beau sur toi Qui ne veux plus être à moi Ma femme mon ennemie... Hôtel des voyageurs Chambre cent-treize Vue sur jardin Et tous les soirs Monsieur Machin Nous joue sa Polonaise... Hôtel des voyageurs Pour t'attendrir Ça t'a fait rire Comm' nos amours les fleurs du mur Ont perdu leur doré... Le vent jette une abeille Morte Je voudrais que le vent de la veille Sorte Qui a laissé dans cette chambre Des mots qui n'allaient plus ensemble... Au cinéma quand sont doublés Des amants dans un champ de blé Ils sont aussi ridicules Que nous sous la pendule Lorsque je t'ai demandé De ne pas m'abandonner... Hôtel des voyageurs Chambre cent-treize Vue sur jardin Et tous les soirs Monsieur Machin Nous joue sa Polonaise... Hôtel des voyageurs Pour t'attendrir Ça t'a fait rire Ce sont nos dernières vacances Avant l'indifférence... La comédie finit Là Ils restent ensemble et l'on n'applaudit Pas Comme au cinéma les acteurs Rentrent chez eux même quand ils meurent... Les fleurs du mur et nos amours Tiennent malgré les déchirures Et quand tu fais ta valise Tu y mets mes chemises Nous n'arriverons jamais A nous quitter sur un quai... Hôtel des voyageurs Où nos adieux Même les plus tristes Ressemblent à des saluts d'artiste A des saluts d'artiste... Hôtel des voyageurs Chambre cent-treize Vue sur jardin Et tous les soirs Monsieur Machin Qui joue sa Polonaise... ________________________________________________________________________________________________________________ Il ne faudra jamais Paroles: Bernard Dimey, Musique: François Bernheim -------------------------------------------------------------------------------- Il ne faudra jamais Dire tout ce qu'on a vécu Ça ne regarde pas Les gens du temps qui passent Ni mes histoires de cœur Ni mes amours déçues N'avantageront Mon reflet dans la glace Je suis un enfant Qui marche à pas comptés Entre des HLM Et des fleurs en plastique Entre trois cimetières Et quatre vérités En plein cœur d'un présent Qui va fermer boutique Il ne faudra jamais dire Ce qu'on a compris On l'a fait par hasard Et sans aucun mérite Quand j'ai vidé ma poche Il me reste le prix De quatre roses rouges Et d'un cornet de frites Il ne faudra jamais Révéler nos secrets Ça ne regarde pas Les gens qui nous regardent Ils viennent d'un pays Où plus rien n'est sacré Ils crèvent entre copains Tant pis, que Dieu les garde Il ne faudra jamais dire Qu'on était heureux Qu'on avait du talent Qu'on était magnifiques Que d'un exploit d'huissier On savait faire du feu Et que du mal d'amour On faisait des musiques Il ne faudra jamais dire Qu'on était idiots Qu'on ne savait rien Mais qu'on vivait quand même Quand on a dégusté Sa jeunesse au boulot Avec la mort qui vient On peut faire un poème ________________________________________________________________________________________________________________ Il suffirait de presque rien Paroles: Gérard Bourgeois, Musique: François Bernheim -------------------------------------------------------------------------------- Il suffirait de presque rien Peut-être dix années de moins Pour que je te dise " je t'aime " Que je te prenne par la main Pour t'emmener à Saint-Germain T'offrir un autre café-crème Mais pourquoi faire du cinéma Fillette allons regarde-moi Et vois les rides qui nous séparent A quoi bon jouer la comédie Du vieil amant qui rajeunit Toi même ferais semblant d'y croire Vraiment de quoi aurions-nous l'air J'entends déjà les commentaires " Elle est jolie, comment peut-il encore lui plaire Elle au printemps, lui en hiver " Il suffirait de presque rien Pourtant personne tu le sais bien Ne repasse par sa jeunesse Ne sois pas stupide et comprends Si j'avais comme toi vingt ans Je te couvrirais de promesses Allons bon voilà ton sourire Qui tourne à l'eau et qui chavire Je ne veux pas que tu sois triste Imagine ta vie demain Tout à côté d'un clown en train De faire son dernier tour de piste Vraiment de quoi aurais-tu l'air J'entends déjà les commentaires " Elle est jolie, comment peut-il encore lui plaire Elle au printemps, lui en hiver " C'est un autre que moi demain Qui t'emmènera à St-Germain Prendre le premier café crème Il suffisait de presque rien Peut-être dix années de moins Pour que je te dise " je t'aime " ________________________________________________________________________________________________________________ J'ai pas d'regret Paroles: Boris Vian, Musique: Dominique Pankratoff -------------------------------------------------------------------------------- J'ai pas d'regret D'avoir fait c'que j'ai fait Je pouvais plus vivre avec sa peine Jetez-moi la pierre Si vous n'avez jamais Tant souffert comme moi je souffrais Par grande misère Elle avait oublié Ce que c'est pour de vrai quand on s'aime Mon soleil d'hiver Mon eau fraîche en été Ma Nelly... je l'aimais... je l'ai tuée Emmenez-moi Dans toutes vos prisons Mettez-moi dans le fond d'un cachot J'y vais pourrir Et j'y pourrai mourir Car je n'ai plus de goût pour le jour Mais j'y r'verrai Lorsque je serai seul Mes premiers vrais cadeaux de mariage Sa main dans la mienne Et son corps dans mon lit Et son souffle mêlé à ma vie Cette complainte que j'entends C'est un air de limonaire Qu'un invalide débonnaire Me serine en passant Fait divers sans apprêt Tragédie élémentaire Histoire éternelle et sommaire De pauv' gens qui s'aimaient Son cœur, mon cœur Et l'espoir qui se meurt Le travail peu à peu vous sépare La nuit, le jour On se cherche toujours Et l'amour crève au fond d'une cour Vous qui souffrez Fallait pas vous aimer Fallait pas écouter les poètes Souffrir à deux C'est pas plus merveilleux Que d'souffrir sans personne et sans feu Et vous gueulez Et vous vous entêtez Moi aussi, je veux rire à la fête Emmenez-moi Ne m'abandonnez pas Je veux mordre au bon pain de la joie On reste en plan Et l'amour fiche le camp En tournant sur un air de manège On reste là et l'on ne comprend pas Et l'on pleure une vie qui s'en va... ________________________________________________________________________________________________________________ Je bois Paroles : Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- Je bois Systématiquement Pour oublier les amis de ma femme Je bois Systématiquement Pour oublier tous mes emmerdements Je bois N'importe quel jaja Pourvu qu'il fasse ses douze degrés cinque Je bois La pire des vinasses C'est dégueulasse, mais ça fait passer l'temps La vie est-elle tell'ment marrante La vie est-elle tell'ment vivante Je pose ces deux questions La vie vaut-elle d'être vécue L'amour vaut-il qu'on soit cocu Je pose ces deux questions Auxquelles personne ne répond... et Je bois Systématiquement Pour oublier le prochain jour du terme Je bois Systématiquement Pour oublier que je n'ai plus vingt ans Je bois Dès que j'ai des loisirs Pour être saoul, pour ne plus voir ma gueule Je bois Sans y prendre plaisir Pour pas me dire qu'il faudrait en finir... ________________________________________________________________________________________________________________ Je voudrais pas crever -------------------------------------------------------------------------------- Je voudrais pas crever Avant d'avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d'argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un côté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards Sans avoir regardé Dans un regard d'égout Sans avoir mis mon zobe Dans des coinstots bizarres Je voudrais pas finir Sans connaître la lèpre Ou les sept maladies Qu'on attrappe là-bas Le bon ni le mauvais Ne me feraient de peine Si si si je savais Que j'en aurai l'étrenne Et il y a z aussi Tout ce que je connais Tout ce que j'apprécie Que je sais qui me plaît Le fond vert de la mer Où valsent les brins d'algue Sur le sable ondulé L'herbe grillée de juin La terre qui craquelle L'odeur des conifères Et les baisers de celle Que ceci que cela La belle que voilà Mon Ourson, l'Ursula Je voudrais pas crever Avant d'avoir usé Sa bouche avec ma bouche Son corps avec mes mains Le reste avec mes yeux J'en dis pas plus faut bien Rester révérencieux Je voudrais pas mourir Sans qu'on ait inventé Les roses éternelles La journée de deux heures La mer à la montagne La montagne à la mer La fin de la douleur Les journaux en couleurs Tous les enfants contents Et tant de trucs encore Qui dorment dans les crânes Des géniaux ingénieurs Des jardiniers joviaux Des soucieux socialistes Des urbains urbanistes Et des pensifs penseurs Tant de choses à voir A voir et à z-entendre Tant de temps à attendre A chercher dans le noir Et moi je vois la fin Qui grouille et qui s'amène Avec sa gueule moche Et qui m'ouvre ses bras De grenouille bancroche Je voudrais pas crever Non monsieur non madame Avant d'avoir tâté Le goût qui me tourmente Le goût qui est le plus fort Je voudrais pas crever Avant d'avoir goûté La saveur de la mort... ________________________________________________________________________________________________________________ J't'aimerais - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- J't'aimerais même avec la gueule de travers J't'aimerais même en mec, même en militaire J't'aimerais même avec une bosse dans le dos Même avec un bec, même avec des crocs J't'aimerais n'importe où n'importe comment J't'aimerais même si tout à coup j'pouvais faire autrement J't'aimerais même sans charme, même sans ce sourire Qui me fout des larmes au milieu des rires J't'aimerais l'air de rien au delà de tout J't'aimerais rage aux poings, j't'aimerais corde au cou J't'aimerais marabout, j't'aimerais bout d'ficelle J't'aimerais même si tout à coup t'étais plus la plus belle J't'aimerais si l'amour était abrogé J't'aimerais si l'Adour passait par Angers J't'aimerais toujours trop mais jamais assez A en devenir beau à ne pas m'en vanter J't'aimerais même dans la boue, jt'aimerais en enfer J't'aimerais même si tout à coup j'avais aut' chose à faire J't'aimerais même anglaise, même en couronnée Même en sainte Thérèse même désincarnée J't'aimerais même en toc en n'importe quoi J't'aimerais même en loques, mais ça risque pas J't'aimerais à genoux moi que ne prie jamais J't'aimerais même si tout à coup tu me disais que tu m'aimais J't'aimerais même avec la gueule de travers J't'aimerais même en mec, même en militaire J't'aimerais même avec une bosse dans le dos Même avec un bec même avec des crocs J't'aimerais n'importe où n'importe comment J't'aimerais même si tout à coup j'pouvais faire autrement la la la... ________________________________________________________________________________________________________________ Le barbier de Belleville Paroles: Claude Lemesle, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Je suis le roi du ciseau De la barbiche en biseau Je suis le barbier de Belleville Des petits poils jusqu'aux cheveux Je fais vraiment ce que je veux J'ai toujours été hanté Par le désir de chanter Manon, Carmen ou Corneville Alors, avouez que c'est râlant D'avoir la vocation sans le talent Je n'ai pas de voix J'essaye quelquefois Mais ça ne vient pas Je n'suis pas doué pour l'opéra Les clients me comparent au Fameux raseur Figaro Je ne suis qu'le barbier de Belleville Je peux vous passer un shampoing Mais vous faire un cours de chant, point Je suis, je prends les paris Le meilleur de tout Paris Pour tous les goûts, dans tous les styles Je fais un métier que j'adore Mais je voudrais chanter toréador Je n'ai pas de voix J'essaye quelquefois Mais ça ne vient pas Je n'suis pas doué pour l'opéra C'est comme ça, je ne suis ni Caruso ni Rossini Je suis le barbier de Belleville Je ne serai jamais, hélas Le partenaire de la Callas Alors, de mon bistouri Je taille les favoris Des bonnes gens de la grand'ville En rêvant que je suis à la Salle Garnier ou bien à la Scala Je n'ai pas de voix J'essaye quelquefois Mais ça ne vient pas Je n'suis pas doué pour l'opéra ________________________________________________________________________________________________________________ La chanson de Paul -------------------------------------------------------------------------------- Ce soir, je bois ! Tu peux toujours éteindre la lampe Et ta main blanche glissant sur la rampe Monter jusqu'à ta chambre Pour y chercher ton sommeil noir... Moi, je reste en bas ce soir Et je bois ! Oui, j'ai promis ! Oui, mais je bois quand même ! Va, je t'aime. Va dans ta nuit... Je bois... Aux femmes qui ne m'ont pas aimé Aux enfants que je n'ai pas eus Mais à toi qui m'a bien voulu... Je bois... A ces maisons que j'ai quittées Aux amis qui m'ont fait tomber Mais à toi qui m'as embrassé... Mais à toi qui m'as embrassé... Ce soir-là On sortait d'un cinéma Il faisait mauvais temps Dans la rue Vivienne J'étais très élégant J'avais ma canadienne Toi tu avais ton manteau rouge Et je revois ta bouche Comme un fruit sous la pluie... Comme un fruit sous la pluie... Ce soir, je bois ! Heureusement, je ne suis jamais ivre. Dors... Cette nuit, je vais écrire mon livre. Il est temps, depuis l'temps. C'est mon roman, c'est mon histoire ! Il y a des choses qu'on n'écrit Que lorsqu'il est très tard, Que lorsqu'il fait bien nuit... Dors, je t'aime. Dors dans ma vie... Je bois... Aux lettr's que je n'ai pas écrites, A des salauds qui les méritent Mais je n'sais plus où ils habitent... Je bois... A toutes les idées que j'ai eues. Je bois aussi dès qu'ils m'ont eu Mais à toi qui m'a défendu, Mais à toi qui m'a défendu... Ce jour-là, Dans un café du quinzième, Tu m'avais dit : "je t'aime" Je n'écoutais pas. Y avait toute une équipe. On parlait politique. Je m'suis battu avec un type Et tu m'as emmené Comme un enfant blessé, Comme un enfant blessé... Je bois... Au combat que tu as mené Pour m'emmener loin de la fête. Ce soir, je bois à ta défaite. Je bois... Au temps passé à te maudire, A te faire rire, à te chérir, Au temps passé à te vieillir. Je bois... Aux femmes qui ne m'ont pas aimé, Aux enfants que je n'ai pas eus Mais à toi qui m'a bien voulu, Mais à toi qui m'a bien voulu... ________________________________________________________________________________________________________________ La cinquantaine -------------------------------------------------------------------------------- On arrive à la cinquantaine, moitié sage, moitié fou Le cul assis entre deux chaises à tenter d'en joindre les bouts Sur la route de la chimère on se retrouve souvent un jour Pour faire le compte de ses guerres, des petites joies, des grands amours Et c'est tout On arrive à la cinquantaine, moitié figue, moitié raisin Le cœur absous de toute haine, le cœur absous de tout chagrin On a troqué sa destinée contre des hauts, contre des bas Rêves vendus à la criée pour faire le vendredi gras Et c'est tout On arrive à la cinquantaine, moitié déçu, moitié content Un quart de joie, un quart de peine, et l'autre moitié aux enfants On se souvient de sa jeunesse comme d'un joyeux chapardage Au seuil de la prime vieillesse on pose un instant ses bagages Et c'est tout Et on repart vers la centaine, un demi-siècle dans les reins Avec tout juste la moyenne à notre devoir de terrien Comme elle est lointaine, la rive où l'on se couchera un jour Il reste tant et tant à vivre qu'on pourra faire un long détour Si tu veux, mon amour ________________________________________________________________________________________________________________ La dame de Bordeaux -------------------------------------------------------------------------------- Delphine, Elminthe, Cydalise, Corinne, Mélissinde, Elise... Changent nos cœurs et vos prénoms Comme la couleur des saisons, Ta chevelure, dans la brise Des retrouvailles indécises. Reviendrai-je des Amériques De la Barbade ou du Congo Vers vous, la Dame de Bordeaux Amante des quarts nostalgiques Ma feuillantine en male mort Pourrais-je, mauvais jacobin, Jusqu'à la faucheuse d'aurore, Et même après, tenir ta main? Que tu naufrages, Virginie, Dans la baie des courtes vertus, Te sauverai-je, même nue, Comme un qui marche sur les flots? Reviendrai-je des Amériques, De la Barbade ou du Congo, Vers vous, la Dame de Bordeaux, Amante des quarts nostalgiques? Mon en-or, m'azur, ma Javotte, Mon soir d'avril après la pluie, Mon béryl, mon tendre péril, Ma très précieuse découverte, Pierre verte au creux des jeudis, Ma Mélusine, ma bellotte, M'ondine, ma coquelinotte, Mon vin du soldat, ma défaite, Ma victoire aussi, ma conquête, Dans les verts du parc Montsouris Que l'amour danse des gavottes Quand reviendront nos cœurs sur des places en fête! Et toutes les fois, toutes celles Où tu donnais aux tourterelles Alors que je quêtais ailleurs... Dites! m'en tiendrez-vous rigueur? Ma nostalgique, ma dévote; Ma romance d'une autre époque Ma Venise d'aventure Mon angélique de ribote Mes mains de fraîche communion Au bout des comptoirs équivoques Où l'amour ne dit plus son nom! Ma talentine, ma prison, Mes douze barreaux dans la poche, Mon étape au bout des maisons, Ma demoiselle dans sa tour, Ma seule à qui j'ose l'amour... Rappelez-vous cette saison Et vos dentelles à la brise D'avril, aux fontaines surprises Dans le reflet des frondaisons. Ah! je t'évoque et je t'invoque Mon muscadier sur l'Orénoque Marie, ma Vénus beauceronne Païenne dans Chartres, m'automne En des plaines si monotones Que le cœur s'y perdrait, je crois, Si tu n'étais ce cœur en croix Au carrefour des routes bonnes. Mon lilas blanc, ma capucine, Cathédrale d'où pérégrinent Tant de souvenirs en escorte Jusqu'aux murailles comtadines Rappelez-vous cette saison Et vos dentelles à la brise... Attendent-elles encore aux portes De cette ville sarrasine, Nos amours mortes? Ah! qu'elles vivent! qu'elles vivent! Et que renaisse au long du fleuve La cytise et la joie promise Et que cette chanson t'émeuve! J'eusse écrit d'amour comme on chante Si je savais encor ce chant, Mais l'air s'en oublie quand il vente. Est-ce ma faute si l'autan Et les bourrasques d'un printemps Ne m'en ont laissé que l'andante?... Ursule, Coralie, Clémente, Sylvie, Delphine, Violante... ________________________________________________________________________________________________________________ La demoiselle de déshonneur Paroles et Musique: Claude Lemesle 1994 "Nos quatre vérités" © 1994 - Disque Trema autres interprètes: Joe Dassin (?) -------------------------------------------------------------------------------- Elle faisait le trottoir le long de l'église Y a bien des curés qui prient dans la rue ! Elle avait vingt ans de loyaux services, Vingt ans de grande vie et de petite vertu Moi, en ce temps-là, j'allais à confesse Tous les mercredis à cinq heures et quart J'étais le dernier à parler de fesses Et j'y pensais, c'était par hasard Mademoiselle de déshonneur Mon premier amour d'un quart d'heure Ce mercredi-là, j'étais en avance J'avais déserté le cours de français Et j'allais m'refaire une bonne conscience Lorsque j'entendis : "Tu viens mon biquet ?" Un coup d'œil devant, un coup d'œil derrière, J'étais l'seul biquet à cent lieues autour Alors je suis v'nu, en f'sant ma prière, J'voulais faire l'apôtre et j'ai fait l'amour Mademoiselle de déshonneur Mon premier amour d'un quart d'heure Et c'est là, bêtement, dans cette chambre obscure, Cette chambre sans joie, sans fleurs aux rideaux, C'est là qu'j'ai reçu ma première blessure, Laissé mon enfance au porte-manteau On peut rêver mieux pour sa grande première, De couchers d'soleil ou de champs d'muguet Moi, je n'ai récolté que trois Notre-Père, Deux minutes de remords, un zéro d'français. Mademoiselle de déshonneur Mon premier amour d'un quart d'heure ________________________________________________________________________________________________________________ La honte de pleurer - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Il est là comme un imbécile De la rosée au bord des cils Le coeur abruti de chagrin Il se regarde dans la glace Où vaguement un ange passe Une femme au regard lointain Et c'est peu dire qu'il vacille Il sent son corps piquer en vrille Il entend les mots de l'adieu Lui faire une blessure comme Les meutrissures dont les hommes Ont souiilé les mains du bon dieu Il faudra bien qu'on me raconte Pourquoi il faut toujours tricher Que l'on m'explique où est la honte Pour un homme de pleurer Ce n'est pas grave non c'est pire C'est le point de non revenir C'est la sirène de la mort Qui lui murmure des mots tendres Des mots impossibles à entendre Pour celui qui espère encore A des milliers de kilomètres Un chien peut retrouver son maître Et lui ne craint pas ce chemin Mais s'il venait lui rapporter Le caillou qu'elle lui a jeté Elle le rejetterait plus loin Alors il fond, il se défait Il devient son propre reflet Il n'est plus que l'ombre de lui Et comme son corps n'a plus de larmes Il verse celles de son âme Il verse celles de la pluie Pourtant il ne veut pas mourir Pourtant il ne veut pas pourrir Parce qu'elle existe Et parce qu'un jour pas impossible Il la verra belle et paisible Passer gaiement sur un trottoir ________________________________________________________________________________________________________________ La java des bombes atomiques Paroles : Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- Mon oncle un fameux bricoleur Faisait en amateur Des bombes atomiques Sans avoir jamais rien appris C'était un vrai génie Question travaux pratiques Il s'enfermait tout' la journée Au fond d'son atelier Pour fair' des expériences Et le soir il rentrait chez nous Et nous mettait en trans' En nous racontant tout Pour fabriquer une bombe " A " Mes enfants croyez-moi C'est vraiment de la tarte La question du détonateur S'résout en un quart d'heur' C'est de cell's qu'on écarte En c'qui concerne la bombe " H " C'est pas beaucoup plus vach' Mais un' chos' me tourmente C'est qu'cell's de ma fabrication N'ont qu'un rayon d'action De trois mètres cinquante Y a quéqu'chos' qui cloch' là-d'dans J'y retourne immédiat'ment Il a bossé pendant des jours Tâchant avec amour D'améliorer l'modèle Quand il déjeunait avec nous Il avalait d'un coup Sa soupe au vermicelle On voyait à son air féroce Qu'il tombait sur un os Mais on n'osait rien dire Et pis un soir pendant l'repas V'là tonton qui soupir' Et qui s'écrie comm' ça A mesur' que je deviens vieux Je m'en aperçois mieux J'ai le cerveau qui flanche Soyons sérieux disons le mot C'est même plus un cerveau C'est comm' de la sauce blanche Voilà des mois et des années Que j'essaye d'augmenter La portée de ma bombe Et je n'me suis pas rendu compt' Que la seul' chos' qui compt' C'est l'endroit où s'qu'ell' tombe Y a quéqu'chose qui cloch' là-d'dans, J'y retourne immédiat'ment Sachant proche le résultat Tous les grands chefs d'Etat Lui ont rendu visite Il les reçut et s'excusa De ce que sa cagna Etait aussi petite Mais sitôt qu'ils sont tous entrés Il les a enfermés En disant soyez sages Et, quand la bombe a explosé De tous ces personnages Il n'en est rien resté Tonton devant ce résultat Ne se dégonfla pas Et joua les andouilles Au Tribunal on l'a traîné Et devant les jurés Le voilà qui bafouille Messieurs c'est un hasard affreux Mais je jur' devant Dieu En mon âme et conscience Qu'en détruisant tous ces tordus Je suis bien convaincu D'avoir servi la France On était dans l'embarras Alors on l'condamna Et puis on l'amnistia Et l'pays reconnaissant L'élu immédiat'ment Chef du gouvernement ________________________________________________________________________________________________________________ La maison qui n'existe plus -------------------------------------------------------------------------------- C'est comme une maison Qui n'existe plus Comme un passé qu'on a chassé A jamais d'une rue Et voilà qu'un matin Tu ne retrouves rien Que les ruines, que les ruines D'un fabuleux amour Construit sur tous les jours De toute une vie, de toute une vie Et comme une maison qui n'existe plus C'est un jardin de déchirures C'est comme une brûlure C'est l'envers du décor Mais c'est plus triste encore C'est un amour qui s'est perdu Et moi je suis celui Qui trouve une pierre Et qui se met à espérer En cherchant l'autre pierre Au hasard de mon cœur Je découvre une fleur Sous les ruines, sous les ruines Comme un reste d'amour Surgi de tous les jours De toute une vie, de toute une vie Et devant la maison qui n'existe plus Je fais renaître un pan de mur Je couvre les blessures Et je sors de ma nuit Et je la reconstruis Et soudain le miracle est là J'ouvre les yeux et je te vois ________________________________________________________________________________________________________________ La maumariée -------------------------------------------------------------------------------- Maumariée, oh maumariée Quand ils t'ont trouvée Si blanche et dorée Blonde blonde blonde Maumariée, oh maumariée Quand ils t'ont trouvée noyée Dans le courant Entre tes draps de mousse Dans le courant Les yeux fermés si douce Comme un jardin de fleurs Comme un jardin Saccagé par l'orage Comme un jardin Comme une fleur sauvage Tu fuyais ton malheur Entre deux eaux Entre deux eaux Et j'étais là, moi J'étais là Inutile et vain Avec mes deux mains Imbécile et froid Avec mes deux bras Avec tout mon corps Qui regrette encore Maumariée Je t'aurais consolée Moi, maumariée Que j'aurais su t'aimer Et tous les hommes qui sont là T'auraient ouvert portes et bras Tous auraient voulu empêcher Cet irrémédiable péché Toi si blonde, maumariée Toi si blonde, mal aimée Maumariée, oh maumariée Quand tu t'es sauvée Si blanche et dorée Blonde blonde blonde Maumariée, oh maumariée Quand tu as désespéré Ne pouvais-tu Ne pouvais-tu m'attendre Ne pouvais-tu A cet instant comprendre Que je courais vers toi Que je courais Comme vers une source Ignorant que ma course Me conduisait là-bas Au bord de l'eau Au bord de l'eau Et je suis là, moi Je suis là Avec mes deux mains Qui ne tiennent rien Ton image en moi Qui ne s'en va pas Avec tout mon corps Qui regrette encore Maumariée Jamais je n'oublierai Moi, maumariée Que j'aurais pu t'aimer Maumariée, oh maumariée Quand ils t'ont trouvée Si blanche et dorée Blonde blonde blonde blonde blonde... ________________________________________________________________________________________________________________ La pause tendresse Paroles: Sylvain Lebel, Musique: Dominique Pankratoff -------------------------------------------------------------------------------- Ça n'est peut-être rien Ces déchirures sourdes Cet amour qui déteint Doucement dans nos yeux On était cœur à cœur Nous voici coudes à coudes Il faut bien qu'on déssaoule Un matin du bonheur Ça n'est peut-être rien La mariée était belle Mais la lune de miel Coule au premier chagrin A peine passé le cap De la grande espérance On voulait jeter l'ancre Et pourtant nous voilà Un amour qui s'éloigne Ce n'est pas un amour perdu Ma complice, ma compagne La pause tendresse est venue Ça n'est peut-être rien Pourvu que tu sois là Que je parle avec toi Au café du matin Et si de temps en temps Toi et moi on deserte C'est pour tenter peut-être De vieillir moins souvent Un amour qui s'éloigne Ce n'est pas un amour perdu Ma complice, ma compagne La pause tendresse est venue Remets les bûches au feu Et viens allons dîner Nous n'allons plus jouer La scène de l'adieu Sortons côté jardin Aimons-nous en coulisse Laissons jouer les novices A l'amour Cornélien Un amour qui s'éloigne Ce n'est pas un amour perdu Ma complice, ma compagne La pause tendresse est venue ________________________________________________________________________________________________________________ La putain Paroles: Jean-Loup Dabadie 1971 -------------------------------------------------------------------------------- Nous habitions en face d'elle Dans le Quartier Saint-Louis Elle habitait je me rappelle Aux environs de minuit Moi, mes cousins On la regardait en silence A travers les jalousies Adossée au magasin Elle fumait avec élégance Nous apprenions nos poésies Passionnément nous y pensions A la P... points de suspension Qu'elle était bien ! Qu'elle était bien ! La putain Posée comme une contrebasse Dans les bras d'un artiste, Elle avait l'air de faire des passes Dans une chanson réaliste. Moi, mes cousins, En pyjama, au cinéma Nous l'avions prise pour femme, Et son parfum de violette Quand on entrouvrait la fenêtre Nous descendait au fond de l'âme. Passionnément nous y pensions A la P... points de suspension Qu'elle était bien ! Qu'elle était bien ! La putain... Quand il pleuvait elle s'abritait Sous le kiosque à journaux Alors comme elle était tout près Je lui jouais du piano Ah ! la putain Un peu comme dans Cyrano Au piano j'étais Chopin ! Sous cette pluie de quatre sous Elle m'imaginait au-dessus Et j'imaginais ses dessous... Mes cousins en parlent aujourd'hui En buvant des blanc-cass, Son réverbère est à la casse Il me reste un peu de pluie. Mais, mes cousins Sans le vouloir, sans le savoir Ont tous épousé des putains Chaque fois que je vais les voir Il y a quelqu'un sur un trottoir Qui vient parfumer ma mémoire. Passionnément nous y pensions A la P... points de suspension Qu'elle était bien ! Qu'elle était bien ! La putain Nous habitions en face d'elle Dans le quartier Saint-Louis Elle habitait, je me rappelle Aux environs de minuit. ________________________________________________________________________________________________________________ La vieille Paroles: Jean-Loup Dabadie -------------------------------------------------------------------------------- C'est pas demain, demain, la vieille Que tu reverras tes garçons Qui sont partis de ta maison Sixième étage, vue sur la cour Pour les sourires et pour l'amour Il fallait repasser la veille Tant et tant d'années ont passé Nous avons oublié la vieille La vie était une merveille Et comme les autres entre deux âges J'ai perdu mon livre d'images Alors... commença le passé Je ne sais pas pourquoi Ce soir Je me demande Dans quel jardin tu dors La vieille au bout de ton voyage Dans quel jardin tu dors Sous quel paysage Ma vieille ma pauvre douce... Julien est chasseur en Afrique Pierre je ne sais quoi en Amérique On s'écrivait de temps en temps Je crois qu'ils en ont fait de belles Et moi, moi il y a beau temps Que je n'ai plus de mes nouvelles J'ai eu des femmes et des idées La chance à mon cou s'est pendue Elles m'ont suivi, elles m'ont quitté J'ai fait la guerre, je l'ai perdue Longtemps j'ai eu de l'insolence Et puis... je vieillis en silence Je ne sais pas pourquoi Ce soir Je me demande Dans quel jardin tu dors La vieille au bout de ton voyage Dans quel jardin tu dors Sous quel paysage Ma vieille ma pauvre douce... On ne sait pas pourquoi Un soir Dans une chambre On n'a plus l'habitude Alors soudain le cœur s'étonne De cette solitude Qui vient comme l'automne Ma vieille ma mère ma douce... ________________________________________________________________________________________________________________ L'absence Paroles: Jean-Loup Dabadie -------------------------------------------------------------------------------- C'est un volet qui bat C'est une déchirure légère Sur le drap où naguère Tu as posé ton bras Cependant qu'en bas La rue parle toute seule Quelqu'un vend des mandarines Une dame bleu-marine Promène sa filleule L'absence, la voilà L'absence D'un enfant, d'un amour L'absence est la même Quand on a dit je t'aime Un jour... Le silence est le même C'est une nuit qui tombe C'est une poésie aussi Où passaient les colombes Un soir de jalousie Un livre est ouvert Tu as touché cette page Tu avais fêlé ce verre Au retour d'un grand voyage Il reste les bagages L'absence, la voilà L'absence D'un enfant, d'un amour L'absence est la même Quand on a dit je t'aime Un jour... Le silence est le même C'est un volet qui bat C'est sur un agenda, la croix D'un ancien rendez-vous Où l'on se disait vous Les vases sont vides Où l'on mettait les bouquets Et le miroir prend des rides Où le passé fait le guet J'entends le bruit d'un pas L'absence, la voilà L'absence D'un enfant, d'un amour L'absence est la même Quand on a dit je t'aime Un jour... Le silence est le même. ________________________________________________________________________________________________________________ L'arriere-saison Paroles: Gilbert Grenier, Musique: Raymond Bernard -------------------------------------------------------------------------------- Il tombait des hallebardes A l'arrière-saison Il y avait des lézardes Aux toits de nos maisons Et de grands chevaux noirs Qui ravageaient le ciel Et trouaient nos mémoires De doutes éternels Souviens-toi Le temps était au glas Aux larmes et aux frissons J'ai tissé dans tes bras Mon arrière-saison On s'est battu alors A l'arrière-saison Les orgues de la mort Ont joué sur tous les fronts On ne reverrait plus Les cerisiers en fleurs Ni l'espoir abattu D'une bombe en plein cœur Souviens-toi La tristesse et l'effroi Ont balayé nos fronts Et labouré du doigt Notre arrière-saison Je suis parti un jour A l'arrière-saison Sans flûte ni tambour Sans rire ni pardon Ma jeunesse perdue Ecartelait son ombre A la croisée des nues Sur un lit de décombres Souviens-toi Nos lettres sont écrites A la chair à canon Et le sang sèche vite A l'arrière-saison Et puis est reparue La nouvelle saison Et je suis revenu Refaire la maison On avait gros le cœur On avait, qui peut dire? C'était comme des fleurs Qui n'avaient su mourir Souviens-toi ________________________________________________________________________________________________________________ Le déserteur Paroles: Boris Vian, Musique: Harold Berg 1954 autres interprètes: Serge Reggiani, Richard Anthony, Claude Vinci note: voir aussi la version par Mouloudji -------------------------------------------------------------------------------- Monsieur le Président Je vous fais une lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir Monsieur le Président Je ne veux pas la faire Je ne suis pas sur terre Pour tuer des pauvres gens C'est pas pour vous fâcher Il faut que je vous dise Ma décision est prise Je m'en vais déserter Depuis que je suis né J'ai vu mourir mon père J'ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants Ma mère a tant souffert Elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes Et se moque des vers Quand j'étais prisonnier On m'a volé ma femme On m'a volé mon âme Et tout mon cher passé Demain de bon matin Je fermerai ma porte Au nez des années mortes J'irai sur les chemins Je mendierai ma vie Sur les routes de France De Bretagne en Provence Et je dirai aux gens: Refusez d'obéir Refusez de la faire N'allez pas à la guerre Refusez de partir S'il faut donner son sang Allez donner le vôtre Vous êtes bon apôtre Monsieur le Président Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes Et qu'ils pourront tirer Nota: La version initiale des 2 derniers vers était: "que je tiendrai une arme , et que je sais tirer ..." Boris Vian a accepté la modification de son ami Mouloudji pour conserver le côté pacifiste de la chanson ! ________________________________________________________________________________________________________________ Les mensonges d'un père à son fils Paroles et Musique: Jean-Loup Dabadie -------------------------------------------------------------------------------- Le temps, petit Simon Où tu m'arrivais à la taille Ça me semble encor' tout à l'heure Mais déjà tu m'arrives au cœur Pour toi commence la bataille... Le temps, petit Simon Que je te fasse un peu l'école Me semble venir aujourd'hui Redonne-moi de cet alcool Que je te parle de la vie... Tu verras... Les amis ne meurent pas Les enfants ne vous quittent pas Les enfants ne vous quittent pas Les femmes ne s'en vont pas... Tu verras... On rit bien sur la Terre Malbrough ne s'en va plus en guerre Il a fait la dernière Tu verras... Et puis, petit Simon Chez nous, personne ne vieillit Nous sommes là et ne crois pas Que nous partirons d'aujourd'hui Pour habiter dans autrefois... L'amour, c'est tous les jours Qu'on le rencontre dans la vie Et rien ne passe et rien ne casse Redonne-moi de l'eau-de-vie A peine à peine, voilà merci Tu verras... Les amis ne meurent pas Les enfants ne vous quittent pas Les femmes ne s'en vont pas... Tu verras... On rit bien sur la terre Malbrough ne s'en va plus en guerre Il a fait la dernière Tu verras... Les femmes infidèles On les voit dans les aquarelles Elles vous querellent sous les ombrelles Dans la vie ce ne sont pas les mêmes Elles nous aiment, elles nous aiment... Un homme, petit Simon Ce n'est jamais comme un navire Qu'on abandonne quand il chavire Et tout le monde quitte le bord Les femmes et les enfants d'abord... Tu verras... Les maisons ne meurent pas Les idées ne vous quittent pas Le cœur ne s'en va pas Tu verras... Tu va suivre en beauté Les chemins de la liberté Tu vivras tu verras ...comme moi... Le temps, petit Simon Où tu m'arrivais à la taille Ça me semble encore tout à l'heure Mais déjà tu m'arrives au cœur Pour toi commence la bataille Alors, petit garçon Moi qui t'aimais, toi qui m'aimais Souviens-toi que ton père avait Une sainte horreur du mensonge Une sainte horreur du mensonge.... ________________________________________________________________________________________________________________ Le monsieur qui passe -------------------------------------------------------------------------------- Je voudrais être ce monsieur qui passe Ce monsieur qui passe sans se presser Il a le charme des princes de race Qu'on a mis au monde tout habillés Costume en lin, chemise en soie Cravate à pois, chaussures en daim Ce monsieur-là connaît bien son solfège Il joue comme un Chopin des Nocturnes en arpège Coupe au rasoir, ongles soignés Montre en sautoir, parfum discret Ce monsieur-là a la taille rêvée Pour marcher dans la foule sans lever le nez Et je voudrais être ce monsieur qui passe Ce monsieur qui passe et ne me voit pas Avoir ce regard où je ne vois trace Du regret de qui, de l'ennui de quoi Qu'il me fait envie, que je voudrais être Ce monsieur qui passe et qui n'est pas moi Moi dont je suis las, dans qui je m'empêtre Que je n'aime pas Je voudrais être ce monsieur qui passe Il a le sourire des gens satisfaits Et dans sa tête d'où rien ne dépasse Tout est à sa place, tout est rangé Voiture de sport, ski à Morzine Yacht aux Açores, le grand standing Je quitte tout, je veux vivre sa vie Et puis j'offre la mienne à n'importe quel prix Museau fripé, nez en avant Sourcils fâchés, les yeux tombants Mes folies douces et mes peines de cœur Allez, je brade tout, le pire et le meilleur Que je voudrais être ce monsieur qui passe Ce monsieur qui passe et qui ne sait rien Rien de mes espoirs, rien de mes angoisses Rien de mes révoltes serrées dans mes poings Je veux une vie où tout soit limpide Où ne traînent pas tant des chiens perdus Tant d'étés fanés, tant de chambres vides Tant d'amours déçues Ça y est! c'est moi lui, je passe à sa place Ma peau se défroisse, je deviens charmant Qu'est-ce que c'est vaste, enfin j'ai de l'espace Sa tête, ô miracle, me va comme un gant J'garde ma Jaguar, j'mange chez Régine J'commande à boire, je me sens "in" J'ai plus d'idées, enfin je suis tranquille Les idées, cher Edgar, c'est pour les imbéciles Je rentre chez moi, enfin, chez lui J'entends une voix: "Bonsoir chéri !" Non, pas sa femme ! Non, pas sa femme à lui ! Non, pas sa femme, pas sa femme à lui ! Je ne veux plus être ce monsieur qui passe Et grand bien lui fasse d'être aussi beau Je lui rends sa femme, ses tableaux de chasse Je reprends mes billes, rendez-moi ma peau Monsieur qui passez au regard tranquille Comme je vous plains de n'être pas moi Gardez votre cœur plein d'automobiles Je garde le mien, je rentre chez moi ________________________________________________________________________________________________________________ Le petit garcon Paroles: Jean-Loup Dabadie, Musique: Dominique Pankratoff -------------------------------------------------------------------------------- Ce soir mon petit garçon Mon enfant, mon amour Ce soir, il pleut sur la maison Mon garçon, mon amour Comme tu lui ressembles! On reste tous les deux On va bien jouer ensemble On est là tous les deux Seuls Ce soir elle ne rentre pas Je n'sais plus, je n'sais pas Elle écrira demain peut-être Nous aurons une lettre Il pleut sur le jardin Je vais faire du feu Je n'ai pas de chagrin On est là tous les deux Seuls Attend, je sais des histoires Il était une fois Il pleut dans ma mémoire Je crois, ne pleure pas Attends, je sais des histoires Mais il fait un peu froid, ce soir Une histoire de gens qui s'aiment Une histoire de gens qui s'aiment Tu vas voir Ne t'en vas pas Ne me laisse pas Je ne sais plus faire du feu Mon enfant, mon amour Je ne peux plus grand-chose Mon garçon, mon amour Comme tu lui ressembles! On est là tous les deux Perdus parmi les choses Dans cette grande chambre Seuls On va jouer à la guerre Et tu t'endormiras Ce soir, elle ne sera pas là Je n'sais plus, je n'sais pas Je n'aime pas l'hiver Il n'y a plus de feu Il n'y a plus rien à faire Qu'à jouer tous les deux Seuls Attends, je sais des histoires Il était une fois Je n'ai plus de mémoire Je crois, ne pleure pas Attends, je sais des histoires Mais il est un peu tard, ce soir L'histoire des gens qui s'aimèrent Et qui jouèrent à la guerre Ecoute-moi Elle n'est plus là Non... ne pleure pas... ! ________________________________________________________________________________________________________________ Le pont Mirabeau -------------------------------------------------------------------------------- Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure ________________________________________________________________________________________________________________ Le premier amour du monde -------------------------------------------------------------------------------- Le soleil est venu Et reparti cent mille fois Depuis le jour du premier jour Du premier amour Le premier amour du monde Le premier amour du monde? C'était... quand ? Et d'abord, comment se sont retrouvés Comment se sont retrouvés Le Ciel et l'Océan ? Il a pris sa main sans le savoir Sans savoir où les menait la peur du premier soir Il a pris son corps contre le sien Sans savoir qu'un deuxième matin Renaîtrait des cendres du premier matin Ils ne savaient pas que d'autres jours Suivraient le premier jour Ils ne savaient pas que la naissance La naissance engendre la vie Et d'abord comment pouvaient-ils savoir Comment pouvaient-ils savoir Puisque les mots n'existaient pas Puisque les mots n'existaient pas Comment pouvaient-ils savoir Que l'Amour s'appellerait l'Amour? Ils ne savaient pas qu'ils inventaient La vie et la mort et la lumière du mois de mai Ils ne savaient pas que leurs enfants Peupleraient la terre d'autres enfants Ni que leurs cœurs allaient faire marcher le temps Et ce soir en marchant En marchant à contretemps de nos vingt ans Nous faisons ce qu'ont fait longtemps Longtemps des millions d'amants Et je prie en pensant A ce premier amour du monde Que jamais ne vienne le jour Du dernier amour ________________________________________________________________________________________________________________ Le souffleur - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Dans ma guérite à mi-chemin, Entre la cour et le jardin, Sous mon minable projecteur, Je suis le premier spectateur. Je suis souffleur. Pendant que ceux d'en haut s'agitent, Malgré leurs rhumes et leurs bronchites, Moi je relis pendant deux heures Un texte que je sais par coeur ... et moi seul, d'ailleurs. Rodrigue n'est pas si mauvais, Mais il joue vieux, il joue français. Quant à Chimène, elle ferait mieux De se faire faire un gosse ou deux. C'est pas sérieux. Tiens si j'avais joué à la place De Don Diègue ou de Don Gormas, On ne se serait pas ramassé A Epinal au Colisée. En voilà assez. Moi, je veux brûler les planches, Je veux prendre ma revanche Et crouler sous l'avalanche Des cris et des bravos Que j'entends dans mon dos. Grâce à moi la troupe entière Va enfin faire une carrière. Elle va être la première. Mais y a ce con de producteur Qui n'a jamais vu mon talent d'acteur Ça me fait mal de voir ce vieux serpent Plus qu'au trois-quarts gâteux Lancer : "Rodrigue, as-tu du coeur ?" Comme il dirait : "Avez-vous l'heure ?". Je suis souffleur Tiens, moi j'y mets rien qu'en soufflant Beaucoup plus d'âme, plus d'élan. Y a même des soirs où sans malice, Les gens des premiers rangs frémissent, Ils crient presque bis. Moi, je veux brûler les planches, Je veux prendre ma revanche Et crouler sous l'avalanche Des cris et des bravos Que j'entends dans mon dos. Je vois déjà des critiques, Des papiers dithyrambiques, Et personne ne s'explique Comment ce con de producteur N'avait rien vu de mon talent d'acteur. Remarque que Don Diègue boit ... beaucoup... et même plus que moi. Un jour il aura quelque chose de pas joli, Le genre cirrhose. Qu'il se repose. Il y a quelqu'un tout près de lui, Quelqu'un qui l'aide et qu'il oublie, Qui a envie de prendre l'air, De faire le chemin à l'envers, De voir la lumière. Et qui va brûler les planches, Qui va prendre sa revanche, Et crouler sous l'avalanche Des cris et des bravos Que j'entends dans mon dos. Je me vois à l'avant-scène Devant le public que j'aime Saluant, et je vois même Ce pauvre con de producteur Venir me dire qu'il attendait mon heure. ________________________________________________________________________________________________________________ Le Vénusien Paroles et Musique: Pierre Tisserand -------------------------------------------------------------------------------- J'habite la planète que vous nommez Vénus Ça fait longtemps que j'vous aurais parlé n'eusse Été les embêtements et les difficultés Auxquelles je me suis heurté car dans nos facultés Il est de nombreux savants qui se refusent à croire Que la Terre est habitée et qui se font un devoir De chasser et pourfendre aux cris de "Hérésie!" Les ceusses qui le pensent et dont je fais partie Youp-la boum! Youp! Youp! Youp-la! Youp-la boum! Alors j'ai décidé à mes risques et périls De m'acheter une chose qui paraîtrait puérile Une paire de jumelles et je vous ai observés Dieu que vous me paraissez aimables et cultivés Ça me change de chez nous où on appelle élite Une bande de pantins qui a pour tout mérite D'avoir un papa qui lui-même avait un père Et pour certaines dames un traversin prospère Youp-la boum! Youp! Youp! Youp-la! Youp-la boum! Vous dont la joie de vivre est la fraternité Comme vous allez rire de notre société Où certains de ses membres trouveraient la vie belle En mangeant ce que d'autres jettent dans leurs poubelles Vénus est un endroit qui vaut bien l'enfer Où l'on règle ses problèmes par le feu et le fer Il suffit pour cela, j'ai honte tant c'est stupide D'avoir la peau bleuâtre au lieu d'un bleu limpide Youp-la boum! Youp! Youp! Youp-la! Youp-la boum! Vous êtes intelligents, nous sommes des comiques À gâcher des fortunes pour la bombe atomique Alors qu'on se demande vraiment à quoi ça sert Mais par contre on en dit pour vaincre le cancer Nous sommes des ignares, vous êtes stupéfiants D'avoir tant de respect pour vos jeunes étudiants Quand arrive le printemps nous autres on se les traque Pour leur bourrer le crâne à grands coups de matraque Youp-la boum! Youp! Youp! Youp-la! Youp-la boum! Sur Terre tout est calme, luxe et volupté Tandis que sur Vénus c'est à vous dégoûter On y pratique encore et vous ne me croirez guère L'exaction, la torture, et même, et même la guerre Et puis les coups d'état, sans parler des impôts Et l'on vous ferait mourir à l'ombre d'un drapeau Je m'prépare à vous rejoindre et n'en fais pas mystère Moi aussi je veux vivre en paix sur votre Terre Youp-la boum! Youp! Youp! Youp-la! Youp-la boum! ________________________________________________________________________________________________________________ Le vieux couple Paroles: Jean-Loup Dabadie -------------------------------------------------------------------------------- Ce qui me plaît dans ce duo C'est que tu fais la voix du haut C'est toi qui sais, c'est toi qui dis C'est toi qui penses et moi je suis Mais les grands soirs lorsque tu pleures Quand tu as peur dans ta chaloupe C'est moi qui parle pendant des heures Nous sommes en somme un vieux couple... Je n'sais plus où je t'ai connu C'est à l'école ou au guignol Je me rappell' cet ingénu Qui avait perdu la boussole Depuis je t'empêche de boire Sauf les grands soirs dans la chalouppe Quand tu me chantes tes déboires Nous sommes en somme un vieux couple... Avec ta tête d'épagneul Qui n'a pas appris à nager Avec ma gueule à rester seul Derrièr' des demis panachés Quand les grands soirs dans la chaloupe Nous parlons de tes états d'âme Et que tu diffames mes femmes Nous sommes en somme un vieux couple... Le 16 août 1960 J'ai marié cette dam' charmante Cinq jours après j'étais parti Et tu me bordais dans mon lit Alors a commencé la nuit Alors a commencé la nuit Dont on se croyait les étoiles Mais on n'était que les cigales... On s'est battu, on s'est perdu Tu as souvent refait ta vie Et le plus beau tu m'as trahi Mais tu ne m'en as pas voulu... Et les grands soirs dans ta chaloupe Tu connais bien mes habitudes Je connais bien ta solitude Nous sommes en somme un vieux couple... Mon ami, mon copain, mon frère Ma vieille chance, ma galère Mon enfant, mon Judas, mon juge Ma rassurance, mon refuge Mon frère, mon faux-monnayeur Mon ami, mon valet de cœur Je ne voudrais pas que tu meures Je ne voudrais pas que tu meures ________________________________________________________________________________________________________________ Le zouave du Pont de l'Alma - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Je m'appelle Octave Et je fais le zouave Sur le pont de l'Alma Où quelquefois Comme autrefois J'en bave Mais plus qu'en Afrique Aux temps héroïques Quand sous la chéchia Garance. J'a- Vais mission historique D'éduquer les peuples Sauvages et aveugles De guider sur des Torrents d'idées Le grand troupeau qui beugle Que j'ai de la peine Toute la semaine Moi qui aimait tant Voir couler l'sang De voir couler la Seine! On nous redoutais comme le feu, comme la peste De Sébastopol à Magenta à Palestro Comme Mac-Mahon je suis parti: "J'y suis, j'y reste!" Pour en arriver final'ment à: "Que d'eau, que d'eau!" Au printemps le fleuve Me met à l'épreuve Comme si les frimas N'suffisaient pas Il faut encore qu'il pleuve Et il monte monte Ce lent mastodonte J'affrontais le front C'est un affront A présent que j'affronte Car j'ai de la flotte Jusqu'à la culotte Jusqu'au gros colon Jusqu'aux galons Parfois jusqu'à la glotte Moi qu'on put connaître Zouave et fier de l'être Il y a des moments Maintenant où j'en Ai par-dessus la tête On nous redoutais comme le feu, comme la peste De Sébastopol à Magenta à Palestro Comme Mac-Mahon je suis parti: "J'y suis, j'y reste!" Pour en arriver final'ment à: "Que d'eau, que d'eau!" Je m'appelle Octave Et je fais le zouave Sur ce pont damné Où chaque année Je sens qu'mon cas s'aggrave Dans mes jambes ça bouge J'ai des fourmis rouges Un jour j'vais m'tirer Faire une virée Je vais prendre un bateau mouche Direction le septième Régiment que j'aime Encore des beaux jours Pour les Tambours Et pour les chrysanthèmes Paraît qu'y a une chouette Guéguerre qui vous guette Ça sent le crime Et les vieux d'Crimée Ne seraient pas de la fête ________________________________________________________________________________________________________________ L'enfant et l'avion Paroles: Jean-Loup Dabadie, Musique: Alain Goraguer -------------------------------------------------------------------------------- Là-bas Comment ça s'dit Jeudi Dans ce jardin Je n'en sais rien Enfin Jeudi, là-bas Dans un trou Entre les fleurs cassées Dans un trou Que s'est-il passé S'amuse tout seul Tout seul Un petit enfant marrant T'as vu l'avion c'est drôle Où est passée la maison Il pleut, il pleut bergère Ils sont bien cachés mes frères La la laire Je vais les chercher mes frères C'est drôle T'as vu l'avion? Là-bas Comment ça fait L'avion Quand ça revient Je n'en sais rien Enfin L'avion là-bas Dans un trou Comme un jouet perdu Dans un trou Et tout de rien vêtu S'amuse tout seul Tout seul Un petit enfant marrant T'as vu l'avion c'est drôle Il revient comme un oiseau Où sont passées les oiseaux La laire Je les ai trouvés mes frères La la laire Ils sont cachés sous les pierres C'est drôle T'as vu l'av... ________________________________________________________________________________________________________________ Les loups sont entrés dans Paris -------------------------------------------------------------------------------- Les hommes avaient perdu le goût De vivre, et se foutaient de tout Leurs mères, leurs frangins, leurs nanas Pour eux c'était qu'du cinéma Le ciel redevenait sauvage, Le béton bouffait l'paysage... alors Les loups, ououh! ououououh! Les loups étaient loin de Paris En Croatie, en Germanie Les loups étaient loin de Paris J'aimais ton rire, charmante Elvire Les loups étaient loin de Paris. Mais ça fait cinquante lieues Dans une nuit à queue leu leu Dès que ça flaire une ripaille De morts sur un champ de bataille Dès que la peur hante les rues Les loups s'en viennent la nuit venue... alors Les loups, ououh! ououououh! Les loups ont regardé vers Paris De Croatie, de Germanie Les loups ont regardé vers Paris Tu peux sourire, charmante Elvire Les loups regardent vers Paris. Et v'là qu'il fit un rude hiver Cent congestions en fait divers Volets clos, on claquait des dents Même dans les beaux arrondissements Et personne n'osait plus le soir Affronter la neige des boulevards... alors Des loups ououh! ououououh! Des loups sont entrés dans Paris L'un par Issy, l'autre par Ivry Deux loups sont entrés dans Paris Ah tu peux rire, charmante Elvire Deux loups sont entrés dans Paris. Le premier n'avait plus qu'un œil C'était un vieux mâle de Krivoï Il installa ses dix femelles Dans le maigre square de Grenelle Et nourrit ses deux cents petits Avec les enfants de Passy... alors Cent loups, ououh! ououououh! Cent loups sont entrés dans Paris Soit par Issy, soit par Ivry Cent loups sont entrés dans Paris Cessez de rire, charmante Elvire Cent loups sont entrés dans Paris. Le deuxième n'avait que trois pattes C'était un loup gris des Carpates Qu'on appelait Carêm'-Prenant Il fit faire gras à ses enfants Et leur offrit six ministères Et tous les gardiens des fourrières... alors Les loups ououh! ououououh! Les loups ont envahi Paris Soit par Issy, soit par Ivry Les loups ont envahi Paris Cessez de rire, charmante Elvire Les loups ont envahi Paris. Attirés par l'odeur du sang Il en vint des mille et des cents Faire carouss', liesse et bombance Dans ce foutu pays de France Jusqu'à c'que les hommes aient retrouvé L'amour et la fraternité.... alors Les loups ououh! ououououh! Les loups sont sortis de Paris Soit par Issy, soit par Ivry Les loups sont sortis de Paris Tu peux sourire, charmante Elvire Les loups sont sortis de Paris J'aime ton rire, charmante Elvire Les loups sont sortis de Paris... ________________________________________________________________________________________________________________ L'homme fossile Paroles et Musique: Pierre Tisserand -------------------------------------------------------------------------------- V'là trois millions d'années que j'dormais dans la tourbe Quand un méchant coup d'pioche me trancha net le col Et me fit effectuer une gracieuse courbe A la fin de laquelle je plongeai dans l'formol D'abord on a voulu m'consolider la face On se mit à m'brosser mâchoire et temporal Suivit un shampooing au bichromat' de potasse Puis on noua un' faveur autour d'mon pariétal Du jour au lendemain je devins un' vedette Journeaux télévision y'en avait que pour moi Tant et si bien du rest' que les autres squelettes Se jugeant délaissés me battaient un peu froid Enfin les scientifiqu's suivant coutumes et us Voulant me baptiser de par un nom latin M'ont appelé Pithécanthropus Erectus Erectus ça m'va bien moi qu'étais chaud lapin Et ces messieurs savants à bottin's et pince-nez Sur le vu d'un p'tit os ou d'une prémolaire Comprirent que j'possédais de sacrées facultés Qui me différenciaient des autres mammifères Ils ont dit que j'étais un virtuos' du gourdin Qui assommait bisons aurochs et bonn' fortune Que j'étais drôl'ment doué pour les petits dessins De Vénus callipyg' aux tétons comm' la lune Ils ont dit que j'vivais jadis dans une grotte Ils ont dit tell'ment d'choses tell'ment de trucs curieux Qu'j'étais couvert de poils et qu'j'avais pas de culotte Alors que j'habitais un pavillon d'banlieue J'étais comm' tout le mond' pétri de bonn's manières Tous les dimanch' matins je jouais au tiercé Je portais des cols durs et des bandag's herniaires C'était avant la guerr' avant qu'tout ait sauté C'était voilà maint'nant bien trois millions d'années Vous n'avez rien à craindre y a plus de retombées ________________________________________________________________________________________________________________ L'hotel du rendez-moi-ça Paroles: J.P.Moulin, Musique: François Bernheim -------------------------------------------------------------------------------- Quand elle s'approcha de lui Langoureuse fille de nuit Elle tendit les bras et dit " Tu viens chéri ? " Ils marchèrent sur les boulevards Les gens les croisèrent sans les voir Amants d'un soir, amants perdus Au gré des rues A l'hôtel du rendez-moi ça Une chambre on leur loua Un p'tit moment ou toute la nuit C'est le même prix Elle monta devant, lui derrière Cinq étages et pas de lumière La chambre, la chaise puis le lit Un paradis Alors elle lui a dit tout bas Rends-moi tout ça, rends-moi tout ça Et lui sans larmes lui rendit Toute sa vie Il rendit ses décorations Sa montre, sa bonne réputation Son carnet d'chèques, ses souvenirs Sans un soupir Rendit l'amour de ses quinze ans La petite fille aux gants blancs Le ballon rouge dans le ciel bleu Les jours heureux Et quand il fut nu comme un ver Sans mémoire et sans pullover La dame tendrement lui a dit Bonsoir chéri Et l'homme c'est endormi... ________________________________________________________________________________________________________________ L'Italien Paroles: Jean-Loup Dabadie, Musique: François Bernheim -------------------------------------------------------------------------------- C'est moi, c'est l'Italien Est-ce qu'il y a quelqu'un Est-ce qu'il y a quelqu'une D'ici j'entends le chien Et si tu n'es pas morte Ouvre-moi sans rancune Je rentre un peu tard je sais 18 ans de retard c'est vrai Mais j'ai trouvé mes allumettes Dans une rue du Massachussetts Il est fatiguant le voyage Pour un enfant de mon âge Ouvre-moi, ouvre-moi la porte Io non ne posso proprio più Se ci sei, aprimi la porta Non sai come è stato laggiù Je reviens au logis J'ai fais tous les métiers Voleur, équilibriste Maréchal des logis Comédien, braconnier Empereur et pianiste J'ai connu des femmes, oui mais Je joue bien mal aux dames, tu sais Du temps que j'étais chercheur d'or Elles m'ont tout pris, j'en pleure encore Là-dessus le temps est passé Quand j'avais le dos tourné Ouvre-moi, ouvre-moi la porte Io non ne posso proprio più Se ci sei, aprimi la porta Diro come è stato laggiù C'est moi, c'est l'Italien Je reviens de si loin La route était mauvaise Et tant d'années après Tant de chagrins après Je rêve d'une chaise Ouvre, tu es là, je sais Je suis tellement las, tu sais Il ne me reste qu'une chance C'est que tu n'aies pas eu ta chance Mais ce n'est plus le même chien Et la lumière s'éteint Ouvrez-moi, ouvrez une porte Io non ne posso proprio più Se ci siete, aprite una porta Diro come è stato laggiù ________________________________________________________________________________________________________________ Ma fille -------------------------------------------------------------------------------- Ma fille, mon enfant Je vois venir le temps Où tu vas me quitter Pour changer de saison Pour changer de maison Pour changer d'habitudes J'y pense chaque soir En guettant du regard Ton enfance qui joue A rompre les amarres Et me laisse le goût D'un accord de guitare Tu as tant voyagé Et moi de mon côté J'étais souvent parti Des Indes à l'Angleterre On a couru la Terre Et pas toujours ensemble Mais à chaque retour Nos mains se rejoignaient Sur le dos de velours D'un chien qui nous aimait C'était notre façon D'être bons compagnons Mon enfant, mon petit Bonne route... Bonne route Tu prends le train pour la vie Et ton cœur va changer de pays Ma fille, tu as vingt ans Et j'attends le moment Du premier rendez-vous Que tu me donneras Chez toi ou bien chez moi Ou sur une terrasse Où nous évoquerons Un rire au coin des yeux Le chat ou le poisson Qui partageaient nos jeux Où nous épellerons Les années de ton nom A vivre sous mon toit Il me semble parfois Que je t'avais perdue Je vais te retrouver Je vais me retrouver Dans chacun de tes gestes On s'est quittés parents On se retrouve amis Ce sera mieux qu'avant Je n'aurai pas vieilli Je viendrai simplement Partager tes vingt ans Mon enfant, mon petit Bonne route... Bonne route Sur le chemin de la vie Nos deux cœurs vont changer de pays ________________________________________________________________________________________________________________ Ma liberté -------------------------------------------------------------------------------- Ma liberté Longtemps je t'ai gardée Comme une perle rare Ma liberté C'est toi qui m'as aidé A larguer les amarres Pour aller n'importe où Pour aller jusqu'au bout Des chemins de fortune Pour cueillir en rêvant Une rose des vents Sur un rayon de lune Ma liberté Devant tes volontés Mon âme était soumise Ma liberté Je t'avais tout donné Ma dernière chemise Et combien j'ai souffert Pour pouvoir satisfaire Tes moindres exigences J'ai changé de pays J'ai perdu mes amis Pour gagner ta confiance Ma liberté Tu as su désarmer Toutes mes habitudes Ma liberté Toi qui m'as fait aimer Même la solitude Toi qui m'as fait sourire Quand je voyais finir Une belle aventure Toi qui m'as protégé Quand j'allais me cacher Pour soigner mes blessures Ma liberté Pourtant je t'ai quittée Une nuit de décembre J'ai déserté Les chemins écartés Que nous suivions ensemble Lorsque sans me méfier Les pieds et poings liés Je me suis laissé faire Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geôlière Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geôlière ________________________________________________________________________________________________________________ Madame Nostalgie Paroles et Musique: Georges Moustaki -------------------------------------------------------------------------------- Madame Nostalgie Depuis le temps que tu radotes Et que tu vas de porte en porte Répandre ta mélancolie Madame Nostalgie Avec tes yeux noyés de brume Et tes rancœurs et tes rancunes Et tes douceâtres litanies Madame Nostalgie Tu causes, tu causes, tu causes, tu causes De la fragilité des roses Je n'entends plus ce que tu dis Madame Nostalgie Depuis le temps que tu m'accables J'ai envie d'envoyer au diable Ton mal d'amour si mal guéri Madame Nostalgie Tu pleures sur un nom de ville Et tu confonds, pauvre imbécile L'amour et la géographie Madame Nostalgie Tu rêves, tu rêves, tu rêves, tu rêves Mais tes arbres n'ont plus de sève Et tes branches n'ont plus de fruits Madame Nostalgie Pardonne-moi si j'en ai marre De tes dentelles grises et noires Il fait trop triste par ici Madame Nostalgie Je veux entendre des orages Respirer des jardins sauvages Voir le soleil et la pluie Madame Nostalgie Tu pleures, tu pleures, tu pleures, tu pleures Mais ce soir je n'ai plus le cœur De partager tes insomnies Madame j'ai envie Ce soir d'être infidèle Dans les bras d'une belle Qui ressemble à la vie ________________________________________________________________________________________________________________ Moi j'ai le temps Paroles et Musique: Georges Moustaki -------------------------------------------------------------------------------- Moi j'ai le temps Je vous le donne Il est midi A peine à Rome Et quelque part Il est trop tard Mon âme sœur Du bout du monde J'ai pris la route La plus longue J'ai pris le temps A chaque instant Moi j'ai le temps Et tout m'étonne Bien que ce soit Presque l'automne Mon bel amour Ma belle de jour Je peux bien perdre Une seconde Puisque ma route Vagabonde Nous a gardé L'éternité Moi j'ai le temps Ma sœur, mon âme De te chercher Dans chaque femme Que j'aimerai Que j'oublierai Pour découvrir En toi la source Où je boirai A pleine bouche Pour m'y baigner Pour m'y noyer Moi, j'ai le temps Je vous le donne Il est déjà Minuit à Rome Il se fait tard Et je repars Demain qui sait Un jour peut-être Nous saurons bien Nous reconnaître Mon bel amour Ma belle de jour Demain qui sait Un jour peut-être Tu me feras enfin renaître O mon amour... ________________________________________________________________________________________________________________ Pablo - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- L'Espagne avait Goya et Velásquez aux murs de son Prado ... L'Espagne avait l'âme de Don Quichotte et l'âne de Sancho Quand tu es né d'un aigle et de Carmen, D'un marin de Colomb et de Chimène, Des vignes de l'Andalousie et du sang d'un toro, Pablo. Paris, c'était Montmartre, Apollinaire et le Bateau-lavoir, La Célestine bleue, l'Arlequin ros', tes yeux de diamant noir ... Parade, musiciens, Pulcinella, La Méditerranée dansait par là ... J'entends chanter le piano de Satie sous ton pinceau, Pablo Pablo, de quel dieu bizarre Es-tu le frère ici-bas ?... Pablo, même l'Alcazar Sait que le hasard, Ça n'existe pas... Pablo contre les Césars, Tueurs de García Lorca, Pablo, avec ton regard, Hugo et Mozart Ont peint Guernica, Ont peint Guernica ... La paix c'est ton défi, ton cri de guerre et celui de l'oiseau, Celui de la colombe que tu fais jaillir de ton tableau, Toi l'homme dessiné par l'infini, L'azur écartelé sous le génie ... Et toutes les Espagnes libérées de leur Franco ... Pablo Pablo, de quel dieu bizarre Es-tu le frère ici-bas ?... Pablo, même l'Alcazar Sait que le hasard, Ça n'existe pas... Pablo contre les Césars, Tueurs de García Lorca, Pablo, avec ton regard, Hugo et Mozart Ont peint Guernica, Ont peint Guernica ... ________________________________________________________________________________________________________________ Paris ma rose -------------------------------------------------------------------------------- Où est passé Paris ma rose ? Paris sur Seine la bouclée ? Sont partis emportant la clé Les nonchalants du long des quais Paris ma rose Où sont-ils passée Villon et ses filles ? Où est-il passé Jenin l'Avenu ? Et le chemin vert, qu'est-il devenu Lui qui serpentait près de la Bastille ? Où est passé Paris la grise ? Paris sur brume, la mouillée ? L'est partie Paris l'oubliée Partie sur la pointe des pieds Paris la grise Où sont-ils passés ceux qui fraternisent Avec les murailles et les graffitis ? Ces soleils de craie où sont-ils partis Qui faisaient l'amour au mur des églises ? Où est passée Paris la rouge ? La Commune des sans-souliers ? S'est perdue vers Aubervillers Où vers Nanterre l'embourbée Paris la rouge Où est-il passé Clément des cerises ? Est-elle fermée la longue douleur Du temps où les gars avaient si grand cœur Qu'on n'voyait que lui au trou des chemises ? Où est passé Paris que j'aime Paris que j'aime et qui n'est plus. ________________________________________________________________________________________________________________ Pericoloso - Serge Reggiani --------------------------------------------------------- Nous étions quelques complices: Alfredo, et le Germain Que ses copains, par malice, Avaient surnommé le Cousin; Y avait l'Anglais de Boulogne, Un adepte du tunnel, Mon frère cadet de Gascogne, Et puis moi, l'intellectuel... On avait fait à Venise Un p'tit casse fracassant; On a filé jusqu'à Pise Et on a discuté argent... Mais sur la tour, quelle misère ! Alfredo s'est un peu penché... Quand on est deux dans l'affaire, On finit toujours par tomber ! E pericolo, e pericolo, e pericolo si! E pericolo, e pericoloso sporgersi ! Dans un coucou d'avant-guerre, On partageait les billets; Mais le Germain en colère Insinuait qu'on le volait... Il nous a dit dans sa langue Un truc du genre "Faut pas pousser !" Ca, même quand on en manque, Ça vous donne des idées... E pericolo, e pericolo, e pericolo si! E pericolo, e pericoloso sporgersi ! L'Anglais et mon pauvre frère Sont tombés, quelle maladresse ! Du haut des tours de Nanterre Sur un car de C.R.S... Dans ma villa de Marseille, Moi, je cherche, O dérision, En dormant sur mon oseille, Une chute à ma chanson... E pericolo, e pericolo, e pericolo si! E pericolo, e pericoloso sporgersi ! E pericolo, e pericolo, e pericolo si! E pericolo, e pericoloso sporgersi ! ________________________________________________________________________________________________________________ Quand j'aurai du vent dans mon crane Paroles: Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- Quand j'aurai du vent dans mon crane Quand j'aurai du vert sur mes os P'tête qu'on croira que je ricane Mais ça sera une impression fosse Car il me manquera Mon élément plastique Plastique tique tique Qu'auront bouffé les rats Ma paire de bidules Mes mollets mes rotules Mes cuisses et mon cule Sur quoi je m'asseyois Mes cheveux mes fistules Mes jolis yeux cérules Mes couvre-mandibules Dont je vous pourléchois Mon nez considérable Mon cœur mon foie mon râble Tous ces riens admirables Qui m'ont fait apprécier Des ducs et des duchesses Des papes des papesses Des abbés des ânesses Et des gens du métier Et puis je n'aurai plus Ce phosphore un peu mou Cerveau qui me servit A me prévoir sans vie Les osses tout verts, le crâne venteux Ah comme j'ai mal de devenir vieux... ________________________________________________________________________________________________________________ Que tu es impatiente Paroles: Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- La mort est passée ce soir-là Pour prendre un gosse de quinze ans Pour le serrer dans ses grands bras Et l'étouffer avec sa robe de jacinthes La mort a couché ce soir-là Dans un lit d'une belle fille Pour une étreinte d'une fois Et n'a laissé que cendre froide et sans parfum Que tu es impatiente, la mort On fait le chemin au devant de toi Il suffisait d'attendre Que tu es impatiente, la mort La partie perdue, tu le sais déjà Tout recommencera Le soleil sur l'eau Tu n'y peux rien L'ombre d'une fleur Tu n'y peux rien La joie dans la rue Les fraises des bois Un sourire en mai Tu n'y peux rien Un valse valse Tu n'y peux rien Un bateau qui passe Tu n'y peux rien Un oiseau qui chante L'herbe du fossé Et la pluie si lasse Tu n'y peux rien La mort est revenue ce soir Avec sa robe d'iris noirs La mort est revenue chez moi On a frappé.. Ouvrez la porte... La voilà Elle brûlait comme une lampe Dans une nuit près de la mer Elle brûlait comme un feu rouge A l'arrière d'un camion sourd sur les chemins Que tu es impatiente, la mort... ________________________________________________________________________________________________________________ Rupture Paroles: Jean Dréjac -------------------------------------------------------------------------------- Je crois qu'il vaut mieux S'aimer un peu moins Qu'on s'aimait nous deux C'était merveilleux Ton cœur et le mien C'était un grand feu C'était une flamme Jusqu'au fond de l'âme Jusqu'au fond des cieux C'était un programme Très ambitieux. Aujourd'hui le drame Pour toi et pour moi C'est que notre émoi C'est que ce mélange Du diable et de l'ange De chair et de cœur De rires et de larmes, C'est que ce bonheur Soit monté si haut On a eu si chaud Là-haut dans l'espace Que le temps qui vient Que le temps qui passe Le tien et le mien, Ne nous promet plus A sa table ouverte D'autres découvertes Nous sommes tout nus... On n'est pas déçus On n'a pas déchu Nous sommes honnêtes Ni marionnettes Ni comédiens On sait qu'un mensonge Parfois fait du bien Mais celui qui plonge Jamais ne revient C'est une autre vie Il faut tout revoir... On a été fous On redevient sages On a pris de l'âge On s'est beaucoup dit Très peu contredit Nos rêves plafonnent Le pied au plancher Ils se téléphonent Sans être branchés Il faut être artiste Jusqu'au bout des doigts Pour sculpter des joies Quand la chair est triste... Pourtant je redoute Donne-moi la main L'endroit où la route Part en deux chemins Que nous allons prendre Et, chacun le sien Chacun va reprendre Chœurs et musiciens... Car nos vies s'arrachent Nos corps se défont Nos cœurs se détachent Notre rêve fond. On n'a plus de prise On ne triche pas Sur la neige grise Chacun va son pas On va décrocher Au gré du caprice D'un trop grand bonheur Qui s'est amoché Dont la cicatrice Plus tard dans nos cœurs Marquera la place Car le souvenir Va l'entretenir Avaler sa trace Avec en secret L'immense regret Que cette aventure Ce moment parfait Soit déjà défait Et que rien ne dure. ________________________________________________________________________________________________________________ Sans blague Paroles: Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- On lit tant d'choses Moi je n'sais plus Le noir et l'rose Sont confondus On dit tant d'choses J'écoute plus rien Toi, ça m'repose Et je m'sens bien Sans blague Est-ce que tu crois vraiment Qu'on va s'aimer tout l'temps Ne mens pas Sans blague C'est pas dans des romans Que t'as trouvé tout ça Dis-le-moi Parle Répète encore une fois Comment cela sera Quand on vivra ensemble Parle A quoi cela ressemble Deux amoureux d'un soir Au bout d'six mois Sans blague Si le jour et la nuit Ça reste aussi joli Je s'rai heureux Sans blague Si jamais ça n'finit Emmène-moi dans ma vie Avec toi ________________________________________________________________________________________________________________ Sarah Paroles: Georges Moustaki -------------------------------------------------------------------------------- La femme qui est dans mon lit N'a plus 20 ans depuis longtemps Les yeux cernés Par les années Par les amours Au jour le jour La bouche usée Par les baisers Trop souvent, mais Trop mal donnés Le teint blafard Malgré le fard Plus pâle qu'une Tâche de lune La femme qui est dans mon lit N'a plus 20 ans depuis longtemps Les seins si lourds De trop d'amour Ne portent pas Le nom d'appas Le corps lassé Trop caressé Trop souvent, mais Trop mal aimé Le dos vouté Semble porter Des souvenirs Qu'elle a dû fuir La femme qui est dans mon lit N'a plus 20 ans depuis longtemps Ne riez pas N'y touchez pas Gardez vos larmes Et vos sarcasmes Lorsque la nuit Nous réunit Son corps, ses mains S'offrent aux miens Et c'est son cœur Couvert de pleurs Et de blessures Qui me rassure ________________________________________________________________________________________________________________ Sermonette Paroles: Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- Si je croyais en Dieu Je serais heureux De rêver au jour où je verrais le ciel Un ange en robe blanche Par un clair dimanche Descendant vers moi dans un chariot doré Dans un bruit d'ailes et de soie Loin de toute la terre Très haut, je verrais se lever devant moi L'aube d'un jour sans fin La brûlante lumière Le bonheur éternel Si je croyais en Dieu Mais j'ai vu trop de haine Tant et tant de peine Et je sais, mon frère, qu'il te faudra marcher seul En essayant toujours De sauver l'amour Qui te lie aux hommes de la Terre oubliée Car tout au bout du chemin Une faux à la main La mort, en riant, nous attend pas pressée Aussi mon ange à moi Je le cherche en ce monde Pour gagner enfin ma part de joie Dans ses bras ________________________________________________________________________________________________________________ Si c'était à recommencer Paroles: Sylvain Lebel -------------------------------------------------------------------------------- Si c'était à recommencer Si je devais refaire ma vie Je voudrais naître en Italie Au mois de mai Je voudrais être ce gamin Qui courait pieds nus au soleil Parmi les chèvres et les abeilles Ne changez rien Si c'était à recommencer Dans un monde à feu et à sang Je voudrais être l'émigrant Que j'ai été J'aim'rais repasser la frontière Et sans capuche ni manteau Redébarquer à Yvetot Un soir d'hiver Si c'était à recommencer J'aim'rais un jour avoir vingt ans Etre con et perdre mon temps Dans les cafés J'aimerais traîner mes illusions Dans des décors de cinéma Même s'il faut avoir l'estomac Dans les talons Si c'était à recommencer J'aim'rais revoir tous mes amis Même celui qui m'a trahi C'est oublié Je voudrais revivre ces heures D'espérance et de désespoir Ces nuits blanches et ces matins noirs Un vrai bonheur Si c'était à recommencer J'aim'rais aimer les mêmes femmes Je ne veux pas saouler mon âme D'autres baisers Je voudrais qu'il ne manque pas Une larme, une déchirure Au revers de mes aventures Mea culpa Si c'était à recommencer J'aim'rais habiter le Midi Y passer dix ans de ma vie A tes côtés Je voudrais avoir cinq enfants Pas un de plus, pas un de moins Et les revoir tous un à un Prendre le vent Si c'était à recommencer Je suivrais le même chemin Je manquerais les mêmes trains Sans un regret Je voudrais ne rien effacer De mes joies, de mes solitudes Qu'on n'oublie pas une virgule A mon passé... ________________________________________________________________________________________________________________ Si tu me payes un verre Paroles: Bernard Dimey -------------------------------------------------------------------------------- Si tu me payes un verre, je n'te demand'rai pas Où tu vas, d'où tu viens, si tu sors de cabane Si ta femme est jolie ou si tu n'en as pas Si tu traînes tout seul avec un cœur en panne Je ne te dirai rien, je te contemplerai Nous dirons quelques mots en prenant nos distances Nous viderons nos verres et je repartirai Avec un peu de toi pour meubler mon silence Si tu me payes un verre, tu pourras si tu veux Me raconter ta vie, en faire une épopée En faire un opéra... J'entrerai dans ton jeu Je saurai sans effort me mettre à ta portée Je réinventerai des sourir' de gamin J'en ferai des bouquets, j'en ferai des guirlandes Je te les offrirai en te serrant la main Il ne te reste plus qu'à passer la commande Si tu me payes un verre, que j'ai très soif ou pas Je te regarderai comme on regarde un frère Un peu comme le Christ à son dernier repas Comme lui je dirai deux vérités premières Il faut savoir s'aimer malgré la gueul' qu'on a Et ne jamais juger le bon ni la canaille Si tu me payes un verre, je ne t'en voudrai pas De n'être rien du tout... Je ne suis rien qui vaille Si tu me payes un verre, on ira jusqu'au bout Tu seras mon ami au moins quelques secondes Nous referons le monde, oscillants mais debout Heureux de découvrir que si la terre est ronde On est aussi ronds qu'elle et qu'on s'en porte bien Tu cherchais dans la foule une voix qui réponde Alors, paye ton verre et je t'aimerai bien Nous serons les cocus les plus heureux du monde ________________________________________________________________________________________________________________ Un Siècle Après -------------------------------------------------------------------------------- Le secrétaire d'Abraham Lincoln, qui s'appelait Kennedy Lui conseilla: "Au théâtre, n'y allez pas vendredi" Un siècle après un autre Lincoln au président Kennedy Déconseilla de se rendre à Dallas ce vendredi Abraham Lincoln au théàtre par derrière est abattu Comme soi-disant auteur du crime John Wikes Booth est reconnu Un siècle après à Dallas en pleine rue Kennedy fut tué Un nommé Lee Harvey Oswald du forfait est accusé Abraham Lincoln fut élu président Abraham Lincoln en l'an 1860 John Fitzgerald Kennedy fut élu président John Fitzgerald Kennedy en l'an 1960 John Booth, assassin de Lincoln, avant même d'être jugé Par la main de Corbett Boston comme sa victime fut frappé Oswald n'eut pas plus de chance, à bout portant il fut tué On dit que c'est par vengeance que Jack Ruby se fit justicier Le fils du président Lincoln du mort brûle certains papiers Qui compromettaient un homme du gouvernement dernier Un siècle après Bob Kennedy de son frère brûle le courrier Pour raison d'état en somme, des noms s'abstient de citer Andrew Johnson, successeur d'Abraham Lincoln Andrew Johnson naquit en 1808 Lyndon Johnson, successeur de Kennedy Lyndon Johnson est né en 1908 On peut, je crois, se demander, si ces faits nous comparons Des deux actions laquelle est de l'autre la répétition Apprenant la mort de Luther King, à l'esprit l'idée nous vint Que pendant ce nouveau crime on répétait les prochains ________________________________________________________________________________________________________________ Valse dingue Paroles: Boris Vian -------------------------------------------------------------------------------- J'ai composé pour toi Une valse comm' ça Que jamais ne chantera personn' J'ai voulu qu'il ait A boire et à manger Dans ma valse et voilà Le resultat: Un' valse en forme de chaise A repriser des bas Un' valse en forme de fraise Qu'on mange avec ses doigts Un' valse avec des écailles Comme un petit poisson Un' valse pour les volailles Et pour les saucissons Un' valse en bois des îl's un' valse en fil à fil Un' valse à aiguiser les vieux couteaux rouillés Un' valse en peau d'anchois un' valse en pâté d'foie Allons chanter dans les bois Un' valse épaisse et solide Pour construire un' maison Un' valse à faire un beau bise Et en toute saison Je me suis aperçu Que ma valse tordue Ne t'avait pas rendu hommage Et j'ai aussitôt fait Un très joli couplet Pour célebrer ma mie Et le voici: Un' valse en forme d'endive Comme tes grands yeux bleus Un' valse longue et furtive Pour pleurer tous les deux Un' valse en forme de chèvre Roulons-nous dans les prés Prête-moi vite tes lèvres Oui, je te les rendrai Viens je te donnerai mon p'tit cœur de poulet Nous valserons jusqu'au jour sans nous arrêter La valse des dingos sur le pont d'un cargo De gigots pour Santiago Un' valse tendre et subtile Tout comme toi-z-et moi Ah que la vie est facile Quand je suis dans tes bras... ________________________________________________________________________________________________________________ Venise n'est pas en Italie -------------------------------------------------------------------------------- Interprète : Serge Reggiani (enregistrement 1977) Paroles : Claude Lemesle Musique : C. Piget Arrangements : Alain Goraguer T'as pas de quoi prendre l'avion ni même un train Tu ne pourrais pas lui offrir un aller Melun Mais tu l'emmènes Puisque tu l'aimes Sur des océans dont les marins N'ont jamais jamais vu la fin Tu as le ciel que tes carreaux t'ont dessiné Et le soleil sur une toile de ciné Mais tu t'en fiches Mais tu es riche Tu l'es puisque vous vous aimez Venise n'est pas en Italie Venise c'est chez n'importe qui Fais-lui l'amour dans un grenier Et foutez-vous des gondoliers Venise n'est pas là où tu crois Venise aujourd'hui c'est chez toi C'est où tu vas, c'est où tu veux C'est l'endroit où tu es heureux Vous n'êtes plus dans cette chambre un peu banale Ce soir vous avez rendez-vous sur le canal Feux d'artifice La barque glisse Vous allez tout voir, tout découvrir Y compris le Pont des Soupirs Ça durera un an ou une éternité Le temps qu'un dieu vienne vous dire : " Assez chanté ! " Quelle importance C'est les vacances Tout ça parce que vous vous aimez Venise n'est pas en Italie Venise c'est chez n'importe qui Fais-lui l'amour dans un grenier Et foutez-vous des gondoliers Venise n'est pas là où tu crois Venise aujourd'hui c'est chez toi C'est où tu vas, c'est où tu veux C'est l'endroit où tu es heureux Venise n'est pas en Italie Venise c'est chez n'importe qui C'est n'importe où, c'est important Mais ce n'est pas n'importe quand Venise c'est quand tu vois du ciel Couler sous des ponts mirabelles C'est l'envers des matins pluvieux C'est l'endroit où tu es heureux Venise n'est pas en Italie Venise c'est chez n'importe qui C'est n'importe où, c'est important Mais ce n'est pas n'importe quand Venise c'est quand tu vois du ciel Couler sous des ponts mirabelles C'est l'envers des matins pluvieux C'est l'endroit où tu es heureux La la la la la la ... ________________________________________________________________________________________________________________ Villejuif, paroles de Sylvain Lebel -------------------------------------------------------------------------------- Je n'vous écris pas de Brest Ni de Prague ni de Madrid Moi je vous écris de France De l'hôpital de Villejuif Ça va bientôt faire dix années Qu'on me cache dans un coin Qu'on vient me jeter la pâtée Dans ma chambre chaque matin Je ne sais pas ce que j'ai bien pu faire Pour être mis à la fourrière A la fourrière des humains Qu'est-ce que je fais en pyjama A tourner entre ces murs blancs Appeler qui, implorer quoi D'où je suis personne ne m'entend Toutes mes peines sont peines perdues Je vis mais ça ne compte plus Puisqu'ils m'ont rayé des vivants Je n'vous écris pas de Brest Ni de Prague ni de Madrid Moi je vous écris de France De l'hôpital de Villejuif Ils peuvent me piquer la peau Et me sangler à mon lit J'entends toujours mille marteaux Résonner dans mes insomnies Je vois toujours des foules défouler Des mains et des portes fermer Je ne trouve plus la sortie J'ai pourtant dû être un enfant Moi aussi j'ai dû courir Après des chiens, des cerf-volants Si je pouvais y revenir Mais je ne sais plus où dans quelle banlieue J'ai semé les cailloux qui me Ramènerait à ce jardin Je n'vous écris pas de Brest Ni de Prague ni de Madrid Moi je vous écris de France De l'hôpital de Villejuif ________________________________________________________________________________________________________________ Votre fille a vingt ans Paroles: Georges Moustaki -------------------------------------------------------------------------------- Votre fille a vingt ans, que le temps passe vite Madame, hier encore elle était si petite Et ses premiers tourments sont vos premières rides Madame, et vos premiers soucis Chacun de ses vingt ans pour vous a compté double Vous connaissiez déjà tout ce qu'elle découvre Vous avez oublié les choses qui la troublent Madame, et vous troublaient aussi On la trouvait jolie et voici qu'elle est belle Pour un individu presque aussi jeune qu'elle Un garçon qui ressemble à celui pour lequel Madame, vous aviez embelli Ils se font un jardin d'un coin de mauvaise herbe Nouant la fleur de l'âge en un bouquet superbe Il y a bien longtemps qu'on vous a mise en gerbes Madame, le printemps vous oublie Chaque nuit qui vous semble à chaque nuit semblable Pendant que vous rêvez vos rêves raisonnables De plaisir et d'amour ils se rendent coupables Madame, au creux du même lit Mais coupables jamais n'ont eu tant d'innocence Aussi peu de regrets et tant d'insouciance Qu'ils ne demandent même pas votre indulgence Madame, pour leurs tendres délits Jusqu'au jour où peut-être à la première larme A la première peine d'amour et de femme Il ne tiendra qu'à vous de sourire Madame Madame, pour qu'elle vous sourie... voir aussi : http://www.ordiecole.com/vian.html ____________________________________________________________ http://www.ordiecole.com/music/reggiani_textes_chansons.txt