Le Collège Musical de La Chaux-de-Fonds fêtera ses 80 ans le mercredi 23 juin 2004... Demain mercredi, 170 frimousses musiciennes fêteront en spectacle l’anniversaire de leur Collège musical. Retour avec Cécile Pantillon sur l’histoire d’une école hors du commun. «Pantin et Pantine» à l’heure des répétitions. Grâce au Collège musical, ils ont appris le b. a.-ba de la musique, en soufflant dans une flûte douce ou en tâtant du solfège. Ils en ont eu envie, encouragés par leurs parents ou pour faire comme leurs copains. Heureusement, le prix des cours n’étaient pas un obstacle pour les familles peu argentées. «En plus, c’est pratique!, avait commenté maman. Les professeurs se déplacent directement dans les collèges après la sortie des classes.» Grâce à ces «petits cours» de musique, ils dressent aujourd’hui une oreille «initiée» à la musique, qu’ils écoutent des chansons à la radio, qu’ils courent les festivals rocks ou qu’ils fréquentent les concerts classiques... Certains d’entre eux chantent même dans un chœur, jouent dans une fanfare ou un orchestre. D’autres, enfin, en ont fait leur métier. Génération après génération, depuis 80 ans, la musique essaime son pollen fertile dans la population chaux-de-fonnière – toutes classes sociales confondues – grâce à une structure institutionnelle parallèle à l’école obligatoire (voir encadré). Une utopie socialiste d’avant-guerre qui dure... Ses élèves et professeurs en feront la démonstration mercredi lors du concert-anniversaire marquant les 80 ans du Collège musical. Durant la soirée, 170 élèves de solfège et un orchestre d’une vingtaine d’adultes présenteront le spectacle musical «Pantin, Pantine», d’Allain Leprest et Romain Didier. Retour sur cette aventure, fortement marquée par la figure de son directeur, le violoniste Georges-Louis Pantillon, qui insuffla, avec son épouse Alice, un esprit humaniste au Collège musical de 1947 à 1979. Rencontre avec Cécile Pantillon, sa fille, retraitée depuis 1996. Une pianiste qui, du rôle de professeur à celui de directrice, a collaboré au fonctionnement de l’école durant près de 40 ans. La famille Pantillon est irrémédiablement liée au Collège musical... Cécile Pantillon: Pourtant, nous ne sommes pour rien dans sa création. En 1924, l’idée de cette école sociale de musique est concrétisée par un groupe de citoyens de La Chaux-de-Fonds avec l’appui du Conseil communal. Parmi ses fondateurs, Georges Duquesne, des Armes-Réunies, qui sera son premier directeur, et Charles Faller, fondateur quelques années plus tard du Conservatoire de La Chaux-de-Fonds. Gratuit, le Collège musical était destiné aux élèves les plus déshérités. L’école a conservé cet esprit, en 1947, lorsque mon père a accepté d’en prendre les rênes. La fonction de directeur est restée bénévole jusqu’à la fin des années 1960 ! Avec ma mère, ils se sont passionnés pour cette institution mise à mal par la guerre et les années de crise, tout en l’ouvrant à un plus large public. De 40 élèves en 1947, le Collège atteint 700 inscriptions dans les années 1970. Quelles ont été vos motivations à vous joindre à cette école? C. P.: Les mêmes que celles de mes parents: par amour pour les gens de La Chaux-de-Fonds. Je me suis jointe à eux dès que je suis rentrée de mes études de piano à Vienne et à Londres. Mon père pensait que la musique était une bénédiction de notre civilisation, qu’elle permettait de devenir plus solide et plus riche intérieurement face aux catastrophes humanitaires. Je suis aussi convaincue que la musique rapproche de la beauté universelle. Elle rend plus enclin à diffuser quelque chose d’harmonieux autour de soi. Vous savez, la beauté rapproche de la bonté – lorsqu’on a l’intention de la donner et non de la vendre, bien entendu! Aujourd’hui, on parlerait de dimension musicothérapeutique... C. P.: Tout à fait. Je me souviens du reste d’une interview de mon père dans le cadre d’une émission de radio pour les patients de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds. Il avait dit: «Si j’étais obligé de rester longtemps ici, je crois que je ne mettrais pas une semaine pour monter une chorale avec toutes les personnes valides. Ça ferait du bien à tout le monde!» Père, mère et fille, les Pantillon ont insufflé un esprit pédagogique hors du commun au Collège musical... C. P.: C’était aussi par amour des enfants. C’est extraordinaire de participer à leur éducation en les ouvrant à la musique. Un des anciens élèves de mon père m’a raconté qu’il avait été très impressionné le jour où celui-ci avait demandé: «Tu connais la cinquième Symphonie de Beethoven ?» A sa réponse négative, il lui avait simplement dit: «Tu en as de la chance !» Sa politique était de mettre ses bons élèves de violon le plus vite possible dans le bain, dans ses orchestres par exemple. Il considérait la musique avant tout comme une expérience de vie. Du reste, je suis convaincue que cette activité leur donne des aptitudes à apprendre dans des domaines en apparence éloignés de la musique. Je me souviens que le directeur de l’Ecole d’horlogerie m’avait dit un jour: «Tes élèves, on les remarque tout de suite: ils ont les doigts plus déliés.» Racontez-nous un des moments forts de vos activités de directrice? C. P.: Le jour des inscriptions annuelles, à la rentrée scolaire, reste pour moi un souvenir émouvant. Cela faisait une longue file d’attente de parents et d’enfants. Des gens de tous les milieux. Souvent, les émigrés venaient en famille. Mais il y avait aussi des médecins et des avocats, qui aimaient l’esprit simple de notre école et souhaitaient que leurs enfants se mélangent avec ceux des autres classes sociales. Et puis, il y a l’audition finale, à la fin de l’année. C’était pour moi la fête. Yvonne Tissot La Chaux-de-Fonds, L’Heure bleue-salle de musique, me 23 juin 2004 à 19h30 ________________________________________________________________ Un terreau de créateurs très actifs A l’extérieur, les Chaux-de-Fonniers se vantent souvent d’avoir un terreau de créateurs particulièrement actifs dans leur ville d’origine. Le Collège musical y est-il pour quelque chose ? Une chose est sûre cependant, cette école permet à des enfants nés dans des milieux non bourgeois d’entrer en musique, ce qu’ils n’auraient sans doute pas fait autrement. Quelques exemples : «Ma vie aurait été bien différente sans le Collège musical», confie Daniele Pintaudi, 30 ans, pianiste virtuose, ancien élève de Cécile Pantillon et membre fondateur du Nouvel Ensemble contemporain, à La Chaux-de-Fonds. «D’une part, les tarifs extraordinairement bas de cette école ont permis à mes parents de nous inscrire à des cours de musique, mon frère, ma sœur (réd: Ensa fait aussi une carrière de musique professionnelle) et moi. D’autre part, en tant qu’émigrés italiens, ils ne ressentaient aucune barrière sociale à nous y envoyer. Enfin, les prix étaient bas, mais l’enseignement était de qualité!» Autres élèves de Cécile Pantillon, le pianiste de jazz Christophe Studer et le guitariste Julien Revilloud, diplômés respectivement des Ecoles de jazz de Montreux et de Berne, sont allés jusqu’à créer une école de musiques actuelles, à La Chaux-de-Fonds, fortement inspirée des préceptes du Collège musical. «Sauf qu’on accepte aussi les adultes..., sourit Christophe Studer. On pratique les tarifs les plus bas possibles pour une école privée (réd: 1180 francs par an), parce qu’on a envie de faire partager la musique avec le plus de monde possible.» / yvt ________________________________________________________________ Pascal Guinand, l’héritier Enfant, Pascal Guinand, professeur de guitare et de violoncelle, n’a pas fait ses classes de musique au Collège musical (CM) de La Chaux-de-Fonds, qu’il dirige depuis 1996. «J’ai un peu tâté du piano au Conservatoire, mais je n’étais pas très scolaire, raconte-t-il. Je suis finalement venu à la musique sur le tard et j’ai alors continué dans cette institution, car j’étais trop âgé pour suivre les cours du CM.» Au vu de l’ambiance qui règne durant les répétitions de «Pantin, Pantine», le spectacle du 80e anniversaire de l’école, force est de constater que le musicien a su garder la vigueur de l’institution, tout en y ajoutant son esprit de fantaisie. «Le nombre d’inscrits au CM est incroyablement stable, commente-t-il. Cela tourne toujours autour de 450 élèves. J’aime cette taille familiale qui me permet de connaître tout le monde.» En plus de conserver le caractère simple et sans étiquettes de l’école, Pascal Guinand a conservé un des rites hérités des Pantillon. «Je continue d’assister à toutes les auditions semestrielles des classes de l’école. Parce que j’ai moi-même bénéficié de la présence de Cécile Pantillon lorsque j’étais professeur. Ça fait du bien d’avoir un regard extérieur, car le métier est finalement assez solitaire, cela d’autant plus qu’au CM, on enseigne chez soi ou dans les salles des collèges de la ville.» Comme à ses débuts, l’école fonctionne selon une structure administrative légère et «transportable», qui joue la carte de la proximité auprès de la population. Elle se résume à un seul employé communal fixe, son directeur. Les professeurs sont pour leur part payés selon le nombre d’élèves qui s’inscrivent dans leur classe. Largement subventionné par la commune et le canton, le CM parvient ainsi à pratiquer des écolages bon marché, adaptés en fonction du revenu des parents, allant de 220 francs par an pour la classe seule de solfège à 860 francs par an pour une formation complète avec instrument. Depuis cinq ans, l’école est aussi soutenue par une association des Amis du CM, qui lui permet de réaliser des projets exceptionnels. Le CM offre aux enfants une formation musicale durant leur scolarité obligatoire et jusqu’à l’âge de 20 ans. Il délivre un certificat les préparant s’ils le désirent à rejoindre le cursus du Conservatoire, seul apte à délivrer un diplôme professionnel. / yvt source : http://www.limpartial.ch/loisirs/musique/actualite/2004/collegemusical.htm http://www.ordiecole.com/music/pantillon.html http://www.ordiecole.com/music/pantillon.txt http://www.ordiecole.com/music/pantillon2.txt