dimanche 4 septembre 2005, 22h59

 

Katrina: le macabre décompte des morts va enfin commencer

LA NOUVELLE-ORLEANS (AP) - Une semaine après le passage dévastateur de l'ouragan Katrina, La Nouvelle-Orléans va enfin pouvoir compter ses morts. Avec l'évacuation des derniers sinistrés réfugiés au Superdome et au Centre des congrès, les autorités se sont attelées dimanche à cette tâche macabre: partir à la recherche des innombrables cadavres qui, selon un ministre, se chiffreront par "milliers".

Les corps en décomposition sont partout dans la ville, flottant dans les rues inondées de la cité détruite, recroquevillés dans des fauteuils roulants, abandonnés sur les autoroutes. Sans parler de ceux qu'on découvrira dans les étages et greniers des maisons submergées par les flots.

Alors que les autorités de la ville et de l'Etat évoquent depuis plusieurs jours déjà un bilan final de plusieurs milliers de morts, les responsables fédéraux se sont à leur tour dimanche rendus à l'évidence. "Il est évident qu'il s'agit de milliers", a fini par admettre le secrétaire américain à la Santé Michael Leavitt à propos du bilan des morts.

C'est la première fois depuis le drame qu'un responsable fédéral reconnaît ce que les autorités locales disaient craindre depuis plusieurs jours.

Plus tôt dans la journée, le secrétaire à la Sécurité intérieure Michael Chertoff s'était, lui, refusé à toute estimation, tout en concédant que nombre de personnes pourraient avoir péri dans des maisons inondées ou dans des abris temporaires, où beaucoup de gens ont passé des jours sans eau ni nourriture.

"Je pense que nous devons préparer le pays à ce qui vient. Ce qui va se passer quand nous enlèverons l'eau de la Nouvelle-Orléans, c'est que nous allons découvrir des gens qui sont morts, peut-être cachés dans des maisons, pris au piège par les flots, des gens dont les restes vont être découverts en pleine rue", a déclaré M. Chertoff. "Ca va être une scène à peu près aussi affreuse que vous pouvez l'imaginer".

Samedi, le vice-amiral Craig Vanderwagen, du Service américain de santé publique, avait déclaré qu'à la prison Saint-Gabriel de La Nouvelle-Orléans, une morgue improvisée attendait à recueillir elle seule 1.000 à 2.000 cadavres.

Le premier bilan officiel, encore très partiel, pour la Louisiane a été donné dimanche par le directeur des services médicaux d'urgence de l'Etat, Louis Cataldie, qui a fait état de 59 morts confirmés.

Une des rares notes d'espoir est venue samedi soir du Superdome d'où les 300 derniers réfugiés ont été évacués sous les acclamations des membres de la Garde nationale du Texas qui avaient pris position dans le stade géant de La Nouvelle-Orléans depuis près d'une semaine pour veiller aux quelque 20.000 rescapés.

Quant au Centre des congrès, autre site ayant recueilli de nombreux sinistrés, il était lui aussi "quasiment vide" après le départ de 4.200 réfugiés.

Au total, ce sont des dizaines de milliers d'habitants qui ont été évacués de la ville par bus, train, bateau, hélicoptère ou avion en direction du Texas, du Tennessee et d'autres Etats d'accueil. A Washington, le secrétaire aux Transports Norman Mineta a annoncé que plus de 10.000 personnes avaient été évacuées de la cité par les airs, ce qui constitue, selon lui, le plus grand pont aérien jamais effectué sur le sol américain. Et les vols continueront aussi longtemps que nécessaire, a-t-il précisé.

Mais, selon M. Chertoff, un nombre "significatif" d'habitants refusent encore de quitter leur domicile. Le secrétaire à la Sécurité intérieure a donc lancé un appel à l'évacuation totale de la cité inondée. "Ce n'est pas une alternative raisonnable" que de rester en ville, a-t-il expliqué. "Les gens ne vont pas pouvoir rester chez eux à La Nouvelle-Orléans pendant des semaines et des mois pendant que nous asséchons et nettoyons cette ville. Les zones inondées, lorsqu'elles seront asséchées, ne seront pas des endroits sains."

Au plan politique, la polémique suscitée par la lenteur de la réaction fédérale et l'arrivée tardive des secours n'est pas près de s'éteindre. "Les premiers jours étaient une catastrophe naturelle. Les quatre derniers jours ont été une catastrophe faite par l'homme", a ainsi déploré Phillip Holt, 51 ans, secouru chez lui samedi.

Lors d'une visite dans des secteurs dévastés de son Alabama natal, la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a pris la défense du président George W. Bush et répondu à ceux qui accusent le gouvernement fédéral d'avoir tardé à réagir en raison de la présence d'une majorité de noirs parmi les sinistrés.

"Personne, notamment pas le président, n'aurait laissé des personnes sans aide en raison de sa race", a affirmé Mme Rice, plus haut responsable de couleur au sein de l'administration américaine.

Dimanche, pour la première fois depuis le passage lundi de Katrina, les compagnies d'eau et d'électricité envisageaient d'envoyer des camions dans la ville pour évaluer les dégâts. AP

http://fr.news.yahoo.com/050904/5/4kge9.html