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138
En 1809, questionné sur les difficultés que rencontrent les artisans de la place,
le maire de Bienne écrit au sous-préfet de Delémont : les montres sont trop résis-
tantes à l’usure, et la production bien trop élevée pour qu’il y ait un avenir à cette
industrie
116
!
Il est vrai qu’à ce moment-là, l’horlogerie biennoise est en pleine crise, tout
comme l’horlogerie jurassienne d’ailleurs : on ne compte plus qu’une vingtaine
d’horlogers sur les 84 recensés en ville en 1800. A la fin de la période française,
la production biennoise tombe carrément en léthargie, jusqu’en 1842, seuls quel-
ques modestes horlogers y poursuivant leur travail. La ville reste donc totalement
à l’écart du mouvement qui voit l’horlogerie du Haut Vallon reprendre sa progres-
sion dès les années 1830.
Une vue de Bienne, vers 1835 (lithographie colorée de Christian Albrecht Jenni, tirée de Marcus Bourquin,
Biel Bienne, op. cit., p. 44).
116
Cité par Fernand Schwab, Die industrielle Entwicklung, op. cit., p. 160.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie

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139
En 1842, Ernest Schüler, réfugié allemand, ouvre un atelier en ville de Bienne,
et c’est le redémarrage de cette industrie sur la place. Son essor est rapide : qua-
tre ans plus tard, en 1846, on y dénombre déjà 6 ou 7 ateliers occupant chacun
jusqu’à 14 horlogers ; par ailleurs, quelques centaines d’artisans, venus pour la
plupart des vallées jurassiennes ou de Neuchâtel, travaillent à domicile pour l’un
ou l’autre des établisseurs* de la ville. Parallèlement à cette renaissance, l’horlo-
gerie du Haut Vallon poursuit sa marche en avant. Sonvilier et St-Imier prennent
des allures de gros bourgs, on l’a vu. A Bienne, le nombre d’établisseurs passe de
2 à 15 en dix ans. En 1856, la ville compte déjà 795 horlogers qui représentent
16 % de la population active. En 1867, à l’heure de la création de la manufacture*
des Longines à St-Imier, les horlogers biennois produisent artisanalement près de
180’000 montres de poche, dont le dixième en or, le reste en argent.
Bienne et les villages alentour s’agrandissent sans discontinuer. A peine débar-
qués, les nouveaux arrivants déplorent le manque d’appartements et la vie chère.
Une vive concurrence salariale s’installe entre l’horlogerie et les anciennes indus-
tries de la place, fabrique de tabac, filature, tréfilerie.
Depuis 1857, l’agglomération est desservie par le chemin de fer qui la relie aux
villes du Plateau suisse, puis aux villages du Jura industriel. Bienne prend la tête
de l’industrialisation bernoise, devançant bientôt St-Imier et les villages du Vallon.
Sa suprématie doit beaucoup à sa position géographique et au développement des
voies de communication.
A la fin des années 1870, Bienne compte une centaine d’établisseurs* et de
fabricants qui emploient plus de 2’500 ouvriers. Une vingtaine d’ateliers spécia-
lisés, plus ou moins importants, produisent des boîtes en or, en argent et, de plus
en plus fréquemment, en acier. Désormais, l’horlogerie biennoise peut se suffire
à elle-même. Son essor, et celui de l’horlogerie jurassienne tout entière, tient au
succès de la montre acier bon marché, dont les processus de fabrication mécanisés
s’appliqueront bientôt à l’ensemble de la production horlogère suisse. Pour Bienne,
comme pour le Vallon, le temps des fabriques est arrivé ; celui de la Suze aussi.
Commençons par la plus prestigieuse des entreprises horlogères biennoises.
Du comptoir Louis Brandt & fils à Omega SA (1882)
L’histoire de Louis-Paul et César Brandt, créateurs des montres Omega, ne
débute pas à Bienne avec la reprise des anciens locaux de la filature Neuhaus &
Huber
117
. Il faut remonter à 1848. Leur père, Louis Brandt (1825-1879), origi-
naire de la Brévine (NE), ouvre un comptoir d’établissage* à La Chaux-de-Fonds
et fabrique des montres de poche de précision, à clef, avec boîte en argent, qu’il va
vendre sur toutes les routes d’Europe, de l’Italie à la Scandinavie, en passant par
la France, la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne et la Hollande. Son plus important
marché est l’Angleterre
118
.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
117
Cf. ci-dessus Une première usine nouvelle : la filature Neuhaus & Huber (1825).
118
Marco Richon, Omega, histoire d’une grande marque, Bienne, Omega SA, 1994, p. 2. Les citations de
ce paragraphe, sans référence, en sont également extraites.

Page 3
140
En 1877, Louis Brandt s’associe avec son deuxième fils, Louis-Paul, pour fon-
der la société Louis Brandt & fils ; deux ans plus tard, le père décède. Les deux
plus jeunes héritiers, Louis-Paul, 25 ans, et César, 21 ans, se mettent à rêver d’une
grande manufacture*
comme celles qui ont été
créées voilà une dizaine
d’années à Cortébert et
à St-Imier.
A l’automne 1879,
César Brandt se met à
parcourir le Jura à la
recherche d’un atelier
équipé de force motrice
pour y installer leur
production. C’est fina-
lement à Bienne qu’il le
Les usines du XIX
e
siècle
Louis-Paul Brandt 1854-1903
César Brandt 1858-1903

Page 4
141
trouve. Au début de 1880, les deux Brandt déménagent de La Chaux-de-Fonds
et louent le premier étage de la fabrique Schneider & Perret-Gentil à la route de
Boujean ; puis un second étage, dès le mois d’avril. La force motrice qui anime les
transmissions de l’usine est fournie par une machine à vapeur.
Les débuts de la manufacture de Bienne furent modestes. Et pourquoi choisir jus-
tement cette localité plutôt qu’une autre […] ? La possibilité d’y trouver plus facile-
ment qu’ailleurs de la main-d’œuvre fut la cause déterminante de cette décision
119
.
Moins d’une année après leurs débuts à Bienne, les frères Brandt occupent
déjà plus de 250 ouvriers. En décembre 1880, ils rachètent la fabrique Schneider
& Perret-Gentil et, six mois plus tard, ils étudient la possibilité de l’agrandir. Vu
les contraintes et pressés par les commandes qui affluent, ils préfèrent déména-
Plan 15 : Schwellenbezirk der Scheuss – 1887. Cadastre hydraulique dressé sur mandat de l’Arrondissement
des digues de Bienne et Nidau, arrondissement créé à la demande des autorités cantonales (s.n., Lith.
A. Witz, Place du Bourg Bienne ; Archives de la Commission des digues, Bienne).
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
119
Jean-Louis Brandt, Historique (tapuscrit datant de 1946, non publié, aimablement communiqué par
Marco Richon, responsable du Musée Omega et de ses archives, à Bienne). Une note griffonnée en p. 9
nous apprend que la ville de St-Ursanne, sur le Doubs, avait été retenue dans un premier temps pour y
créer une fabrique.
500 m

Page 5
142
ger une nouvelle fois et installent
l’ensemble de leurs machines dans
deux étages de l’ancienne filature
Neuhaus & Huber que leur loue
Fritz Bloesch.
A peine installés dans leurs
nouveaux locaux, les frères
Brandt décident d’occuper tout le
bâtiment et passent contrat avec
Fritz Bloesch, le 1
er
juin 1882,
qui leur vend le grand bâtiment,
autrefois filature de coton […],
construit en pierres et couvert de
tuiles, contenant quatre étages,
avec les deux canaux, la force
motrice d’environ 60 chevaux en moyenne. Le vendeur énumère encore quelques
servitudes sur lesquelles les acheteurs sont rendus attentifs : Relativement à l’utili-
sation des eaux de la Suze pour les usines de l’ancienne filature, il existe une con-
cession du 30 Novembre 1825, délivrée par Avoyer et Conseil de la République de
Berne, de même il existe des plans de nivellement et un règlement sur l’entretien et
l’utilisation du canal de la Suze à Bienne et des installations qui s’y rattachent, du
25 Janvier 1850 sanctionné par le Conseil-exécutif du Canton de Berne
120
.
Les usines du XIX
e
siècle
Berceau de la marque Omega, la fabrique de la Gurzelen en 1882 (ancienne filature Neuhaus & Huber). En
médaillon, l’ex-usine Schneider & Perret-Gentil, agrandie et devenue la fabrique de boîtes La Centrale en
1896 (gravure tirée de Marco Richon, Omega Saga, Bienne, Omega SA, 1998, p. 19).
Une machine à vapeur fournit une force motrice d’appoint
de 40 CV (photo de 1911, Marco Richon, Omega Saga,
op. cit., p. 21).
120
Cf. Acte de vente (original en allemand, traduction française) (Archives du Musée Omega, Bienne).

Page 6
143
La production des frères Brandt, entiè-
rement mécanisée, exige une importante
force motrice. Constatant les limites de
leur moteur hydraulique, décision est
prise d’installer une machine à vapeur
d’une puissance de 40 CV.
Au début des années 1890, les ateliers
sont équipés d’un éclairage électrique
121
;
on a certainement dû profiter de l’installa-
tion d’une dynamo* pour remplacer l’an-
cienne roue de côté* par une turbine
122
.
En 1892, la maison Louis Brandt &
fils
123
est devenue l’une des plus impor-
tantes entreprises horlogères de Suisse.
Elle occupe 600 ouvriers et produit 100’000 montres par année. En 1894, on y
crée le calibre Omega. L’entreprise reçoit une médaille d’or à l’Exposition natio-
nale de Genève, en 1896, et l’année suivante, un Grand Prix à Bruxelles. A cette
date, elle occupe 800 ouvriers et produit 200’000 pièces par année.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
121
A cette date, les horlogers paient eux-mêmes les frais d’éclairage des ateliers dans lesquels ils exercent
leur profession, comme ils fournissent leurs propres outils pour se mettre au service d’un patron. Chez
Omega, une retenue de 50 centimes est prélevée chaque semaine sur la paie des ouvriers pendant le
semestre d’hiver. Elle a été supprimée par Paul-Emile Brandt, en 1909. Cf. carnet manuscrit Statistiques
div. entre 1898 et 1913 (Archives du Musée Omega, Bienne).
122
Le cadastre hydraulique de 1902, réalisé par le géomètre de la ville de Bienne, mentionne pour la pre-
mière fois une turbine à l’usine de la Gurzelen. Un document administratif de 1943 la crédite d’une
puissance brute de 42 CV.
123
L’entreprise prendra le nom de Louis Brandt & frère en 1891, puis SA Louis Brandt & frère – Omega
Watch Co. et, finalement, Omega SA.
En-tête de lettre de la fin du XIX
e
s. (Archives AAUS, Correspondance 1899-1903).
L’horloger François Chevillat et son calibre 19’’’
(baptisé « Omega ») construit en 1894. Mouvement
d’une savonnette* or 19’’’ de qualité soignée
(Marco Richon, Omega Saga, op. cit., p. 21).

Page 7
La manufacture* jouit d’une flatteuse réputation.
Le Figaro, quotidien français proche des milieux
patronaux, lui consacre un article louangeur écrit
par un journaliste venu visiter l’entreprise. Et c’est
toute l’idéologie du quotidien qui transparaît : Il n’y
a pas longtemps encore, l’ouvrier accusait la machine
de tous les ennuis et déboires de son existence. Et
voilà que, comme par un coup de baguette magi-
que, je venais de voir une population d’hommes et
de femmes travaillant allégrement dans des ateliers
où l’électricité répand sa force et sa lumière, avec
des outils nouveaux, d’une précision incroyable. Et
ce labeur incessant, que féconde encore l’excellente
harmonie qui règne entre patrons et ouvriers, aboutit
à la construction d’un objet simple et compliqué à la
fois, dont l’humanité ne saurait plus se passer
124
.
Soucieux de respecter les délais de livraison, les frères Brandt se montrent aga-
cés par tout ce qui perturbe le bon déroulement du travail à la fabrique. Le man-
que d’ampleur de la force motrice de la Suze et ses continuelles sautes d’humeur,
notamment en période d’étiage*, font régulièrement monter la tension et provo-
quent de sérieuses embrouilles avec certains usiniers* en amont qui pratiquent
ouvertement le travail par éclu-
sées*
125
, pourtant banni de tous
les cours d’eau.
Attentif à l’approvisionne-
ment énergétique de sa fabri-
que, comme tous les patrons
de l’époque, Louis-Paul Brandt
profite du renforcement du
réseau du Service de l’électri-
cité de la ville pour installer
un moteur électrique d’appoint
de 30 CV
126
, en janvier 1903.
Omega devient l’un des plus
gros clients du réseau avec la
Tréfilerie de Bienne. Son contrat
s’élève à 4’320 francs par année.
Le mouvement d’un chronomètre
Omega parmi les plus fameux,
construit à 360 exemplaires entre
1906-1907 (Marco Richon, Omega
Saga, op., cit., p. 202).
Les usines du XIX
e
siècle
124
Article de Jean Roll du 16 juin 1902 cité Anton Kreuzer, Omega-Uhren, Klagenfurt, Carinthia, 1990,
p. 181-186.
125
Cf. chap. VII, La police des eaux, Les vicissitudes des frères Brandt (Omega).
126
Louis-Paul Brandt écrit dans son Journal en date du 21 janvier 1903 : Commandé le moteur électrique de
30 chevaux avec installation complète à l’Usine électrique de Bienne, 6’000 francs (Archives du Musée
Omega, Bienne).
L’atelier de décolletage et ses transmissions mécaniques, vers
1920 (Marco Richon, Omega Saga, op., cit., p. 221).
144

Page 8
145
L’éclairage des ateliers continue tou-
tefois d’être assuré par une batterie
d’accumulateurs rechargés grâce à la
dynamo* de l’entreprise.
Un coup du sort frappe durement
l’entreprise en 1903 : Louis-Paul
Brandt meurt à 49 ans ; son frère
César, quelques mois plus tard, à 45
ans. La jeune génération, âgée d’à
peine vingt ans, reprend les reines de
la maison qui occupe alors plus de
1’000 ouvriers. Paul-Emile, fils aîné
de Louis-Paul, jouera un rôle détermi-
nant dans ses futurs développements.
Profitant d’un cycle de haute con-
joncture, les nouveaux directeurs
font construire un bâtiment adminis-
tratif en 1906, et renforcent le sys-
tème d’éclairage en installant une
batterie de plus grande capacité ; de
nouveaux ateliers sont construits par
l’architecte chaux-de-fonnier Albert
Theile ; une station centrale de force
motrice, regroupant les divers équi-
pements de production et de distri-
bution de l’énergie, est créée au bord
de la Suze. Son coût s’élève à plus de
100’000 francs. Avec cet investisse-
ment, l’entreprise Brandt commence
à se dégager de la Suze. Et pourtant
celle-ci continue de jouer un rôle
important pour la fabrique et ses ins-
tallations hydrauliques sont constam-
ment entretenues et modernisées. En
1910, par exemple, on pose de nou-
velles vannes ; en 1931, une turbine
Francis* remplace la turbine installée
à la fin du siècle précédent. En 1945,
Omega déclare la production d’une
force d’une trentaine de CV, et indi-
que qu’elle la convertit en courant
continu ou triphasé. Elle profite de
cette enquête fédérale pour signaler
que le canton lui a refusé une nou-
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
Le barrage sur la Suze et la fabrique Omega en 1987.
Bien qu’inexploitées depuis 30 ans, les installations
sont restées en l’état jusqu’à leur démolition récente,
seule l’entrée du canal de dérivation avait été fermée
par un mur de ciment.
Louis-Paul Brandt et ses fils Adrien et Paul-Emile
(à dr.) ; César et ses fils Ernest et Gustave (à g.) vers
1901 (photo tirée d’Alain J. Bougard, De l’alpha à
l’oméga, un itinéraire suisse de la précision, Hauterive,
Ed. Gilles Attinger, 2003, p. 57).
La fabrique vers 1920. Au centre, devant l’immeuble
principal, la cheminée de la machine à vapeur de la
centrale de force motrice (tiré de Werner Bourquin,
Marcus Bourquin, Biel Stadtgeschichtlisches Lexikon.
op. cit., p. 89).

Page 9
146
velle fois l’autorisation de rehausser son barrage
de 30 cm et qu’elle se trouve donc dans l’impossi-
bilité d’augmenter sa propre production d’électri-
cité. Divers projets d’automatisation du nettoyage
de la grille du canal d’amenée* et des vannes sont
menés à bien au début des années 1950.
En 1956, l’administration renouvelle la conces-
sion pour 50 ans
127
. Avec une chute de 1,90 m et un
débit de 2’000 l/s, la puissance concédée s’établit à
50 CV bruts ou 37 CV nets. Adaptée à l’évolution
générale de l’économie, la redevance hydraulique
due par Omega passe de 32 à 148 francs par année.
S’élevant contre cette augmentation [!], la direction
fait radier la concession et démonter la turbine en
juillet 1959. Le barrage et le canal restent en l’état,
pour éviter de trop gros frais. Il faudra attendre
l’application du Plan directeur de la Suze des années
1990 pour que le barrage soit démonté, l’entrée du
canal colmatée, et le lit de la rivière libéré de toute
entrave
128
.
Les entreprises sur la Suze de Madretsch
L’histoire des fabriques d’horlogerie de l’agglomération biennoise a été diffi-
cile à reconstituer, leurs traces se perdant ou se mélangeant au fil des multiples
Les usines du XIX
e
siècle
127
Concession 51G47 (Archives OEHE, Berne).
128
Sollicité en 1989, un bureau d’ingénieurs de Nidau estime les frais de démontage et de remise en état
du lit de la rivière à près de 350’000 francs.
Premier chronographe-bracelet
Omega, modèle 1913 (Marco
Richon, Omega Saga, op. cit.,
p. 79).
La manufacture vers 1950 (Marco Richon, Omega Saga, op. cit., p. 34).
Publicité pour une montre Lépine en
1912 (Marco Richon, Omega Saga,
op. cit., p. 233).

Page 10
147
transformations, ventes
ou abandons qu’elles
ont subis. Nous savons
toutefois que les deux
premières ont été créées
vers 1880 sur le canal du
Moulin de Madretsch.
Ce moulin est men-
tionné pour la pre-
mière fois à la fin du
XIV
e
siècle. Au début
du XIX
e
, le capitaine
Rudolf Pagan, maire de
Nidau, cité bernoise voi-
sine de Bienne, construit
une scierie à quelques
pas en aval du moulin.
Il entend ainsi réagir à
l’interdiction générale d’exporter des matiè-
res premières vers la Suisse décrétée par les
autorités révolutionnaires qui contrôlent
Bienne depuis 1798. Cette interdiction prive
les habitants de Nidau de leur traditionnel
approvisionnement en bois d’œuvre auprès
des scieurs de Boujean.
Pour exploiter sa scierie, Pagan installe
une roue dans le canal du moulin qui che-
mine parallèlement à la Suze ; le lit de la
rivière, qui faisait office de frontière entre
l’Evêché de Bâle et la République de Berne,
est devenu frontière internationale, souvent
peu précise, entre les Républiques française
et helvétique.
Le maire de Nidau construit sa scierie
à proximité immédiate de cette frontière,
faisant fi des autorisations, tant bernoi-
ses que françaises… Dénoncé au sous-pré-
fet de Delémont, Pagan se justifie en décri-
vant la situation difficile de ses administrés
et demande à poursuivre l’exploitation de
sa scierie
129
. Dans sa réponse, le sous-préfet
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
Plan 16 : Le parcours de la Suze de Madretsch et ses usines (extrait de
Schwellenbezirk der Scheuss – 1887)
A la Tréfilerie Montandon
B la fabrique d’horlogerie Schlatter et Flotron
C la fabrique d’horlogerie Aeby & Landry
129
ADHR, 7 S 554, lettre de R. Pagan du 16 août 1801.
La Suze de Madretsch se faufile entre les
immeubles.

Page 11
148
estime qu’il y a lieu de faire droit, provisoirement jusqu’à la fixation définitive des
limites des deux Républiques, à la demande du Citoyen Pagan, sous la condition
expresse de ne porter aucun obstacle au libre cours des eaux, ni aucun préjudice
aux possessions riveraines
130
.
Ce n’est finalement qu’en 1804 qu’une
Autorisation officielle d’exploitation des eaux à des
fins industrielles est délivrée à Pagan par les auto-
rités bernoises. Plusieurs scieurs lui succéderont sur
le site jusqu’à son rachat par l’entreprise horlogère
Aeby & Landry
131
. Spécialisée dans la fabrication de
montres antimagnétiques, vendues principalement
aux USA, elle a été fondée en 1873 par l’ingénieur
Johann Aeby (1824-1880), né à Kirchberg (district
de Berthoud), et par son fils Alfred (1850-1911),
en association avec l’horloger Constant Félicien
Landry.
Au décès de Johann, en 1880, ses fils héritent
de sa part dans l’entreprise et décident avec Landry
de l’agrandir. Ils acquièrent la scierie de Madretsch
pour disposer d’une force motrice bon marché. La scierie est démolie ; une fabri-
que la remplace sur le canal dès 1881. Elle est équipée d’une roue Poncelet* d’une
puissance de 22 CV
132
. Est-elle de
construction récente ou a-t-elle été
récupérée des installations de la
scierie, nous ne le savons pas.
A cette époque, Léo Aeby
(1860-1893), second fils de Johann,
achève sa formation d’ingénieur
dans l’industrie horlogère améri-
caine. Rentré au pays, il construit
lui-même certaines machines auto-
matiques qu’il conçoit avec l’aide
de Joseph Pallweber, un technicien
rencontré aux USA. Elles équipe-
ront bientôt la nouvelle usine des
bords de la Suze. Leur mise au
Les usines du XIX
e
siècle
130
Annotation manuscrite apposée directement sur la lettre de Pagan par le sous-préfet.
131
L’importante usine de MM. Aeby et Landry, qui fabriquent dans leurs ateliers la montre complète […]
à des prix relativement très réduits […] emploie comme force motrice des machines à gaz (Journal
Suisse de l’Horlogerie, vol. III, 1878, p. 216). Cf. également Werner Bourquin, Marcus Bourquin, Biel
Stadtgeschichtliches, op. cit., p. 22.
132
Cf. le plan des deux usines de Madretsch dressé en 1881 par l’inspecteur des constructions biennois
J. Rébold. Concessions 51G63 et 51G64 (Archives OEHE, Berne).
Marque de fabrique (1890) (tirée
des Archives de l’horlogerie,
Marques de fabrique, Berne, Off.
polytechnique d’édition et de
publicité, s.d., p. 205).
La fabrique d’horlogerie est devenue fabrique de cycles,
Th. Schild & Cie, Cycles Cosmos (photo de 1900 tirée de
50 Jahre Velofabrik Cosmos – B. Schild & Cie AG. 1894-
1944. Bienne, Ed. B. Schild. Bienne, 1944, p. 31).

Page 12
149
point s’avère plus délicate que prévue et, surtout, fort
coûteuse. Et alors que la concurrence se fait toujours
plus vive aux USA, les nouveaux calibres* mis sur
le marché ne rencontrent guère de succès. Les fonds
commencent à manquer
133
. Après diverses allian-
ces sans lendemains, l’entreprise Aeby & Landry se
voit contrainte de jeter l’éponge. En 1890, la société
Seeland Watch Co. rachète le bâtiment, mais n’en
occupe qu’une partie. Léo Aeby est nommé directeur
de la production. Seeland Watch Co. sombre à son
tour dans les chiffres rouges et sa principale créan-
cière, la Berner Handelsbank, décide de mettre le bâti-
ment en vente.
Depuis 1894, Théodore Schild (1870-1950)
134
,
jeune ingénieur soleurois âgé de 24 ans, loue un étage
de la fabrique d’horlogerie pour sa fabrication de vélos.
Lors de la mise en vente du bâtiment, Théodore s’empresse de le racheter avec ses
deux frères Bruno et Hans. Leur mère, Elise Schild-Rust, les cautionne. L’ancienne
fabrique d’horlogerie Aeby & Landry devient la Velofabrik Cosmos AG
135
. Les
vélos biennois jouissent d’emblée d’une très bonne renommée et la fabrique Cosmos
est honorée d’une médaille d’ar-
gent à l’Exposition nationale
suisse de Genève en 1896 ; d’une
autre à Paris, en 1900.
Au début de 1899, Théodore
Schild est rappelé à Granges
(SO) pour diriger l’entreprise
horlogère de la famille ; son frère
Bruno reprend la direction de
la fabrique de Madretsch. Peu
avant le tournant du siècle, il
remplace la roue Poncelet* par
une turbine. La correspondance
administrative reste muette à ce
sujet. La turbine apparaît pour
la première fois sur un plan
cadastral de 1902. La nouvelle concession de 1908 entérine le changement. La
puissance concédée s’élève à 28 CV. Compte tenu de l’exonération accordée au
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
133
F. Schwab : Die industrielle Entwicklung, op. cit., p. 199 et 208.
134
Théodore Schild est l’un des fils d’Urs Schild (1829-1888), fondateur de la première fabrique d’horlo-
gerie soleuroise, lointaine ancêtre d’ETA SA.
135
Cf. 50 Jahre Velofabrik Cosmos, B. Schild & Cie AG. 1894-1944. Biel, B. Schild & Cie, 1944.
Brochure publicitaire de 1897
Le personnel de la fabrique de vélos (vers 1900) (50 Jahre
Velofabrik, op. cit., p. 31).

Page 13
150
titre de l’exploitation d’un canal privé, la taxe cantonale se monte annuellement à
15 francs seulement, au lieu des 28 francs exigibles
136
. La turbine restera en fonc-
tion jusque dans les années 1950 ; la concession sera radiée à fin 1971.
En mars 1879, deux ans avant la création de la
fabrique Aeby & Landry sur le site de la scierie, le
Moulin de Madretsch est vendu à Fritz Schlatter et
Emile Flotron, deux fabricants de boîtes de mon-
tres résidents au village depuis plusieurs années.
Le moulin est démoli et, dès 1881, une nouvelle
et importante fabrique horlogère, exploitant cinq
grandes roues hydrauliques
137
, assure la produc-
tion des montres Railway Regulator
138
.
Le Bernois Fritz Schlatter (1839-1908), né à
Unterhallau (Emmental), met au point, en tech-
nicien inventif, un laminoir à coche spécialement
conçu pour la production horlogère
139
. Très actif
au plan politique, il devient membre de la commission d’Arrondissement des digues
de Bienne et Nidau, puis député au Grand Conseil. Partout il prend la défense des
intérêts des usiniers*.
Une vingtaine d’années après
les débuts de leur association, Fritz
Schlatter et Emile Flotron se séparent.
En août 1897, la fabrique est vendue à
Louis Albert Riesen, un industriel éta-
bli à Madretsch depuis 1882. A peine
installé dans ses nouveaux ateliers,
Riesen demande l’autorisation de rem-
placer quatre des cinq roues hydrauli-
ques par une turbine. Il automatise les
vannes du déversoir* afin d’assurer un
niveau précis et constant des eaux du
canal.
En janvier 1899, l’administration
cantonale lui concède l’usage d’une
force hydraulique totale de 32 CV, et
Les usines du XIX
e
siècle
136
Dès l’application de la Loi hydraulique de 1907, la taxe annuelle se monte à un franc par CV concédé.
Dans le cas de la fabrique de vélos, l’administration cantonale ne taxe donc que le surplus de puissance
obtenu avec l’installation d’une turbine. Concession 51G64 (Archives OEHE, Berne).
137
Cf. le plan des deux usines de Madretsch dressé par l’inspecteur des constructions J. Rébold, en 1881.
Concessions 51G63 et 51G64 (Archives OEHE, Berne).
138
K.H. Pritchard, Swiss timepiece makers, 1775-1975, op. cit., p. S-33.
139
Cf. article du Neues Bieler Jahrbuch, 1978, p. 216.
Marque de fabrique (1881) (tirée des
Archives de l’horlogerie, Marques de
fabrique, op. cit., p. 44).
Plan 17 : Les cinq roues hydrauliques de la fabrique
Schlatter & Flotron en 1881 (extrait d’un plan de
situation modifié et annoté des deux fabriques de
Madretsch, dressé par J. Rébold, Bauinspektor ;
Archives OEHE, Berne, concessions 51G63 et 51G64).

Page 14
151
reconnaît le caractère privé du canal qui l’alimente. Riesen échappe ainsi à toute
taxe hydraulique cantonale
140
.
L’entreprise Riesen est spécialisée dans le traitement de surface des boîtes de
montres, leur assurant solidité et longévité. Après plusieurs changements de pro-
priétaire et des années d’inactivité, les équipements hydrauliques sont à l’abandon.
Les autorités bien-
noises signalent
le fait à l’admi-
nistration canto-
nale qui procède
à la radiation de
la concession en
avril 1941.
Après avoir servi la tréfilerie et des industries horlogères ou mécaniques, la
Suze de Madretsch donne naissance à une petite chute en se jetant dans la Thièle.
Réquisitionnée par un menuisier désireux de mécaniser sa scierie, elle finira par
animer les machines d’une importante entreprise.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
140
Concession 51G63 (Archives OEHE, Berne).
Plan 18 : Plan du Cadastre hydraulique des deux fabriques de Madretsch (1900) (extrait de la collection des
plans de détail dressés par Johann J. Vögeli (1854-1911), géomètre de la Ville de Bienne, pour le compte
de l’Arrondissement des digues de Bienne et Nidau ; Archives de la Commission des digues, Bienne).
En-tête de lettre du début du XX
e
siècle.

Page 15
152
Les ateliers de l’entreprise générale Chappuis & Wolf à Nidau,
puis AG Vereinigte Konstruktionswerkstätten, Nidau & Döttingen
Moins d’un kilomètre en aval des fabriques du village, la Suze de Madretsch
rejoint la Thièle et forme une chute de 1,80 mètre née lors de l’abaissement géné-
ral du niveau du lac et de la Thièle à la suite de la Correction des eaux du Jura
(1868-1891). En octobre 1878, une Autorisation d’utilisation des eaux publiques
à des fins industrielles
141
est accordée au menuisier Alphonse Crevoisier pour l’ex-
ploitation d’une scierie.
Dès septembre 1892, la force motrice de la scierie est partiellement acheminée
par un câble télédynamique* tiré par-dessus la rivière jusqu’aux ateliers de cons-
tructions mécaniques Probst, Chappuis & Wolf situés sur la commune de Nidau.
Après la destruction de la scierie par un incendie, la force motrice est entièrement
exploitée par les ateliers de construction.
L’entreprise Probst, Chappuis & Wolf a joué un rôle important en matière de
travaux hydrauliques en Suisse en participant à la plupart des grands chantiers de
la seconde moitié du XIX
e
siècle.
En 1867, le Vaudois Julien Chappuis
(1846-1929), fondateur de l’entreprise,
termine sa formation d’ingénieur à
l’Ecole spéciale de Lausanne, ancêtre
de l’Ecole polytechnique fédérale.
Après avoir exécuté le relevé des mines
de sel de Bex, il est engagé comme des-
sinateur par l’ingénieur G. Bridel
142
à
Yverdon, qui lui confie bientôt l’étude
d’ouvrages importants (viaduc de
Vallorbe, pont de Couvet, de Môtiers,
de la Sauge, installation de l’usine et de
la mine d’asphalte, à Travers), et plus
tard, en sa qualité d’ingénieur en chef
de la Correction des eaux du Jura, le
nomme chef des « Ateliers et du Service
mécanique », chargé de l’étude et de la
construction d’un puissant matériel de dragage et de transport ainsi que de tous les
ouvrages métalliques de cette vaste entreprise. Ces travaux terminés, J. Chappuis
reprend en 1874 les ateliers situés à Nidau, et fonde alors la maison J. Chappuis &
Les usines du XIX
e
siècle
141
Schlussbericht über das Unternehmen der Schüsskorrektion von Bözingen bis zum Bielersee in den
Jahren 1882-1900, Biel, Buchdruckerei der Schreibbücher und Papierwarenfabrik, 1901, p. 127.
142
A cette date, Gustave Bridel exploite une entreprise de construction de ponts métalliques à Yverdon.
Dès 1868, il participe aux travaux de la première Correction des eaux du Jura. Plus tard, il sera l’un
des ingénieurs associés à la construction du réseau des chemins de fer suisses. Cf. Christoph Zürcher,
Bridel Gustave, in Dictionnaire historique de la Suisse [publication électronique DHS], version du
9 janvier 2003.
Plan 19 : Situation de la turbine de la scierie
Crevoisier (A) (extrait de Schwellenbezirk der
Scheuss – 1887).

Page 16
153
Cie, plus tard, en 1884, Probst,
Chappuis & Wolf, à Berne et
Nidau
143
.
Fort de l’expérience acquise
lors de la construction du canal
de l’Aar, Julien Chappuis est
appelé en France pour diriger
les travaux de terrassement
et de dragage d’un barrage
en Seine-et-Oise entre 1880
et 1883.
A cette époque, la Ville de
Genève étant en quête d’un
entrepreneur pour ses forces
motrices, ses délégués, MM. Merle d’Aubigné et Turrettini, après avoir visité les
chantiers de Méricourt, passent une convention avec J. Chappuis, qui transfère
une partie de son personnel et de son matériel de Méricourt à Genève où il prit la
direction de la régie co-intéressée des Forces motrices du Rhône.
Julien Chappuis travaille à Genève de 1883 à 1886
144
. Par la suite, il dirige plu-
sieurs grands chantiers de construction de chemin de fer et prend une part active à
l’élaboration du projet de centrale hydroélectrique à Hagneck
145
(1890-1900) en col-
laboration avec l’ingénieur Charles Wolf (1845-1921) qui devient son associé
146
.
L’entreprise de Nidau changera encore plusieurs fois de raison sociale, devenant
l’entreprise C. Wolf, Ingénieur, Nidau (1905-1906), puis Vereinigte Konstruktions-
werkstätten Nidau-Döttingen AG lorsque Charles Wolf s’associe avec l’entrepre-
neur argo vien Conrad Zschokke.
Les ateliers de Nidau ont acquis une solide réputation avec la fabrication de
passerelles et d’accessoires métalliques utilisés dans la construction, par exemple
les caissons étanches utilisés lors du coulage de béton coffré dans les grands tra-
vaux hydrauliques.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
143
Cf. l’article nécrologique du Schweizerische Bauzeitung du 1
er
juin 1929, p. 275. La citation suivante
en est également extraite.
144
Cf. E. Imer-Schneider, Notes et Croquis Techniques sur Genève, Genève, Bureau international de bre-
vets d’invention, E. Imer-Schneider, 1896, p. 10 (aimablement communiqué par les archives des Services
Industriels de Genève).
145
Cf. chap. IV, La Suze et l’électrification de la région, L’électrification de l’agglomération biennoise.
146
Jean Charles Louis Wolf, originaire de Hilterfingen (Oberland bernois), né à Lausanne le 22.10.1845,
décède à Nidau le 2.9.1921. Maire de Nidau et député au Grand Conseil. Charles Wolf s’établit à
Nidau en 1874 et travaille à la construction de barrages, de ponts, d’installations hydrauliques, en tant
qu’ingénieur au service de l’entreprise Chappuis. Il est considéré comme l’un des principaux initiateurs
du projet de centrale hydroélectrique à Hagneck. Il sera membre du conseil d’administration des diver-
ses sociétés qui exploiteront la centrale, puis siègera à celui des Forces Motrices Bernoises SA dès leur
création, en mars 1909, jusqu’à son décès en septembre 1921. Cf. Ernest Moll, Les forces motrices
bernoises : A l’occasion du cinquantenaire de leur fondation, 1898-1948. Berne, Ed. Forces Motrices
Bernoises, 1949, p. 123 ; communication de l’Office d’Etat civil de Bienne à l’auteur, 28 août 2000.
Construction du barrage et des vannes métalliques sur le canal
de l’Aar à Hagneck (vers 1898/1899) (photo tirée de 1898-1973,
75 Jahre Bernische Kraftwerke AG, Bern, s.n., 1973, p. 4).

Page 17
154
Par la suite, plusieurs artisans occuperont ces ateliers avant que la concession
ne soit radiée en 1926
147
. Plus tard, les ateliers seront utilisés par la société Alpha
AG qui les absorbera en 1947.
Les fabriques sur la Suze de Bienne
Le quartier du Pasquart, bâti au rythme du déve-
loppement de la fabrique d’indiennes* de François
Verdan, voit couler la Suze de Bienne avant qu’elle ne
rejoigne le grand canal, puis le lac. Au cours du XIX
e
siècle, les divers bâtiments de l’ancienne indiennerie
ont abrité nombre d’activités. Leur inventaire n’en
a pas été facilité. Nous savons que trois entreprises au moins, de taille moyenne,
contemporaines du boom horloger des années 1880-1890, y ont été créées : la
fabrique de boîtes de montres C. Kessi & Cie, l’usine Courvoisier de traitement
des métaux, enfin celle du Dr Carl Neuhaus-Verdan.
La fabrique de boîtes de montres C. Kessi & Cie (av. 1883)
L’acte de partage des biens de l’hoirie Verdan
148
du 22 janvier 1889 mentionne
l’exploitation de l’un des bâtiments de l’ancienne fabrique d’indiennes* par des
fabricants de boîtes de montres sous la raison sociale C. Kessi & Cie
149
, plus tard
Les usines du XIX
e
siècle
147
Concession 51G67 du 9 décembre 1908 (Archives OEHE, Berne).
148
Registre foncier de l’arrondissement Biel-Nidau. PJ Biel 60 / 493 du 22 janvier 1889.
149
Feuille officielle suisse du commerce, 1883, p. 750.
Plan 20 : Le parcours de la Suze de Bienne au Pasquart et ses usines
(extrait de Schwellenbezirk der Scheuss – 1887).
A la fabrique de traitement des métaux précieux Courvoisier
B la fabrique de boîtes de montres C. Kessi & Cie
C l’usine hydraulique du Dr Neuhaus (pas encore construite en 1887)
La Suze de Bienne près de la Villa
Elfenau

Page 18
155
Kessi & Rupp
150
. L’installation
hydraulique fournit une force
motrice de 6 CV. En octo-
bre 1897, l’un des descendants
de François Verdan vend le bâti-
ment à ses locataires.
En mars 1918, la fabrique
abrite les activités de Johann
Kessi, fils du fondateur de
l’entreprise, et de Heinrich
Lienhard, exploitant d’un atelier
de tissage de laine logé dans le
même bâtiment. Puis ce sont les
fils de Johann Kessi, Albert et
Hermann, qui succèdent à leur
père, en 1926. Ils occupent le bâtiment
jusqu’à sa vente à un marchand d’ac-
cessoires pour automobiles en 1960. La
concession
150
avait été radiée auparavant,
en juillet 1959.
La fabrique de traitement des métaux
précieux Courvoisier (1884)
La fabrique d’indiennes ayant défi-
nitivement fermé ses portes en 1842,
Albert Locher (1822-1899) et Jean Sessler
(1822-1897)
152
, propriétaires d’une
importante fabrique de cigares
153
, rachè-
tent quelques bâtiments de l’indiennerie*
en 1857 et y installent leur production.
En juillet 1866, ils construisent une écluse au Rüschli pour rehausser la chute qu’ils
exploitent et rénovent le vieux canal qui l’alimente
154
. Après ces travaux, l’instal-
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
Plan 21 : Situation Wasserwerkanlage von Kessi und Lienhard,
Fabrikanten in Biel, vers 1900 (extrait d’un plan dressé par
Johann J. Vögeli, géomètre de la Ville de Bienne ; Archives de
la Commission des digues, Bienne).
150
Les deux fils du fondateur, Kaspar et Johann Kessi, originaires de Bellmund (district de Nidau), s’asso-
cient à Louis Rupp, de Steffisbourg (Oberland bernois) pour exploiter la fabrique.
151
Concession 51G55 du 21 octobre 1908 (Archives OEHE, Berne).
152
Jean Sessler (1822-1897) a été maire de Bienne, conseiller national, puis conseiller aux Etats. Bienne,
histoire économique de Bienne (sous la dir. de René Fell). Zurich, H. Diriwächter, 1948, p. 328.
153
L’entreprise a été créée en 1847 sous la raison sociale Schaffter, Locher & Vissaula ; plus tard, elle pren-
dra le nom de Locher, Sessler & Cie. En 1850, elle occupe une centaine d’ouvrières et d’ouvriers qui
produisent quelque 6 millions de cigares annuellement. Cf. Werner Bourquin, Marcus Bourquin, Biel
Stadtgeschichtliches Lexikon, op. cit., p. 246, 247, 394.
154
Le canal industriel figure sur un plan dressé en 1835 : Situations-Plan über die Gegend um Biel und
Nidau, gezeichnet im Februar 1835 durch R. Kutter Ing. Elève (AEB AA IV Nidau, no 46).
La fabrique Kessi & Lienhard: la roue hydraulique
protégée (photo tirée de Werner Bourquin, Marcus
Bourquin, Biel Stadtgeschichtlisches Lexikon, op.
cit., p. 89).

Page 19
156
lation hydraulique leur procure une force motrice de 12 CV. En décembre 1878,
la fabrique de cigares part en fumée. L’horloger Paul-Frédéric Courvoisier (1827-
1891)
155
, fabricant de montres et pendulettes de voyage, rachète le bâtiment incen-
dié en 1884, y construit une maison d’habitation et une fabrique pour le traitement
des métaux précieux. Nous ne savons rien de la marche de cette entreprise.
Paul-Frédéric Courvoisier décède le 27 janvier 1891. Sa veuve, Emilie
Courvoisier-Ochsenbein préside désormais aux destinées de la fabrique. Elle est
secondée par son fils Fritz (1858-1912), avocat et futur secrétaire de l’Association
des Usiniers de la Suze.
En septembre 1896, Emilie Courvoisier obtient l’autorisation de remplacer sa
roue hydraulique par une turbine qui lui fournira une puissance de 14 CV
156
.
L’autorisation est assortie de l’obligation de laisser s’écouler constamment un petit
filet d’eau dans le lit de la rivière, en particulier en période de basses eaux, afin
d’éviter qu’il ne se transforme en cloaque à ciel ouvert
157
.
En 1905, Emilie Courvoisier loue sa fabrique à l’Usine genevoise de dégrossis-
sage d’or (UGDO) qui l’exploite conjointement à celle des bords du Rhône. A la
mort de sa mère, Fritz Courvoisier hérite de la fabrique. Lui-même meurt en 1912
et l’hoirie familiale la vend à l’UGDO en 1920. La concession est abandonnée en
juillet de la même année et les installations hydrauliques démantelées.
L’usine hydraulique du Dr Neuhaus
En 1876, le Dr Carl Neuhaus-Verdan
158
obtient l’autorisation d’élever une digue
provisoire
159
dans le lit de la Suze de Bienne à la hauteur de sa résidence baptisée
Elfenau. Pensait-il y créer une usine ? Quinze ans plus tard, il dépose en tout cas
une demande d’Autorisation d’utilisation des eaux de la Suze à des fins industriel-
les en vue de la création d’une fabrique sur son terrain. Une concession, octroyée
en septembre 1892, l’autorise à conserver son écluse, à installer une turbine et
à créer un canal d’évacuation*. La turbine fournit une force motrice de 15 CV
environ destinée à produire l’électricité pour l’éclairage de sa résidence et pour
Les usines du XIX
e
siècle
155
Paul-Frédéric Courvoisier (né à la Chaux-de-Fonds), est fils du révolutionnaire Fritz Courvoisier. Alfred
Chapuis, Histoire de la pendulerie neuchâteloise. Neuchâtel, Attinger Frères, 1917, p. 459.
156
Concession 51G54 du 21 octobre 1908 (Archives OEHE, Berne).
157
in Zeiten von Niederwassern, wenn die Scheuss unterhalb dem Rüschli trocken gelegt ist, Tag für
Tag oder Nacht für Nacht zu einer zweistündigen Spülung des Flussbettes eine genügende Wassermenge
beim Rüschliwehr abzugeben (AEB, BBX 5401, Biel, no 5, 30 septembre 1896).
158
Charles Ernest, dit Carl Neuhaus-Verdan (1829-1893), fils de Charles Neuhaus et Julie Fanny, née
Verdan (fille du fabricant d’indiennes). Médecin à Bienne dès 1852, puis chef de l’hôpital communal. Il
fait construire sa villa Elfenau au milieu des années 1860 qui lui sert de domicile et de clinique privée. Cf.
Margrit Wick-Werder, Von Burgern und Bürgern. Eine Entwicklungsgeschichte am Beispiel der Bieler
Familie Neuhaus, in Manufactures et bonnets de dentelle, Bienne, Musée Neuhaus, 1998, p. 64-79.
159
L’ingénieur cantonal Emile Ganguillet lève les trois oppositions au projet Neuhaus en fixant la cote maxi-
male de la digue à 434,16 m et impose une réglementation stricte de l’usage des vannes et du déversoir
pour éviter le blocage des installations hydrauliques en amont, et la détérioration des berges lors des
grandes eaux (AEB, BBX 5401 Biel no 4).

Page 20
157
alimenter le moteur qui entraînera
les transmissions de la fabrique. Le
Dr Neuhaus décède en juin 1893.
Nous ne savons pas si l’usine était
achevée au moment de son décès.
En 1897, Antoine Muller et
Alcide Vaucher, deux anciens maî-
tres professionnels à St-Imier et à
La Chaux-de-Fonds, s’associent
pour fonder une fabrique d’horlo-
gerie
160
à Bienne et s’installent dans
la fabrique Neuhaus. Une trentaine
d’ouvriers y travaillent. En 1898,
la maison Muller & Vaucher dépo-
sent la marque de fabrique Recta.
En 1902, l’entreprise déménage
pour rejoindre le bâtiment qu’elle
a fait construire à quelques pas de
l’usine Neuhaus. C’est désormais le
réseau électrique communal qui lui
fournit la force motrice.
Un peu plus tard, l’usine
Neuhaus retrouve un exploitant et
prend le nom de Fabrique biennoise
d’ouate – paille & laine d’acier
161
. Nous
ne connaissons pas les développements de
cette entreprise. La taxe hydraulique est
cependant régulièrement payée jusqu’en
1977, s’élevant de 15 francs en 1908, à
240 francs la dernière année d’exploita-
tion. La concession est radiée par la Ville
de Bienne en septembre 1978, après qu’elle
en est devenue propriétaire, avec la Villa
Elfenau, par donation. Divers travaux liés
à l’extinction de la concession, notamment
le comblement du canal, sont effectués en
1979.
Bienne et son agglomération dopées par l’horlogerie
160
K. H. Pritchard, Swiss timepiece makers, 1775-1975, op. cit., p. R-15-17.
161
Concession 51G56 du 21 octobre 1908 (Archives OEHE, Berne).
… accueille une discrète Fabrique biennoise
d’ouate – paille & laine d’acier, dès avant 1908
(photos de 1985).
L’écluse de l’ex-fabrique Neuhaus…

Page 21
158
Dès la fin des années 1860, alors que l’industrie horlogerie est en passe de
modeler l’économie régionale tout entière et d’y créer une culture technique
dominante, de nouvelles activités industrielles, totalement différentes, s’annon-
cent sur le cours inférieur de la Suze.
Les usines du XIX
e
siècle
La Suze de Bienne coule au pied de la
Villa Elfenau, construite en 1861/1862 par le
Dr Carl Neuhaus (photo de 1910/1920, tirée
de Manufactures et bonnets de dentelle. La
bourgeoisie de Bienne au 19
e
siècle. Bienne,
Ed. du Musée Neuhaus, 1998, p. 78).
Le salon de musique de la Villa Elfenau.
La fabrique du Dr Neuhaus abrite les ateliers de
Muller & Vaucher, fondateurs de l’entreprise Recta
(photo tirée de Service de l’électricité de Bienne
- 100 ans, 1894-1994, Bienne, SEB, 1994, p. 38).