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Tempête à La Chaux-de-Fonds: «Impossible à prévoir», selon les météorologues

S’ils avaient averti des risques d’orages, les prévisionnistes de MeteoNews et MétéoSuisse ne pouvaient pas anticiper le phénomène ultraviolent qui a frappé les montagnes neuchâteloises lundi 24 juillet.

27 juil. 2023, 16:00
Le Crêt-du-Locle a été l'un des secteurs les plus touchés par la tempête du 24 juillet.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’alerte rouge météo avant la tempête? La question est sur toutes les lèvres.

Les instruments de mesure des météorologues permettent-ils d’anticiper ce type de phénomène?

«Nous avions averti de risques d’orages et de vents violents sur toute la Suisse», rappelle Didier Ulrich, météorologue à MétéoSuisse. «Mais nous n’imaginions pas qu’un phénomène aussi violent se produirait. On était interloqués. Cela a été si rapide que nos algorithmes qui permettent de détecter les cellules orageuses n’ont pas eu le temps d’avertir.»

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Trop rapide et soudain

La carte publiée par MeteoNews montre que la super cellule orageuse, qualifiée alors d’une intensité très forte, est apparue à Besançon à 10h30, soit 45 minutes avant de frapper la Suisse. Pourquoi cela n’a-t-il pas permis de déclencher une alarme?

La super cellule orageuse est née à Besançon à 10h30 et s’est ensuite déplacée à une vitesse de 85 km/heure. Source: MeteoNews.

«A Besançon, les vents n’étaient pas aussi violents. Il y avait de l’orage, d’où le qualificatif d’intensité très forte, mais la station météo n’a enregistré que des rafales à 18 km/heure», explique Vincent Devanthey, météorologue à MeteoNews.

On touche aux limites de la météo. Nos moyens actuels sont incapables de prévoir de tels événements.
Vincent Devanthey, météorologue à MeteoNews

«Les vents sont devenus plus intenses à Gilley, où un météorologue amateur les a enregistrés à 100 km/heure, à 11h15, soit cinq minutes avant qu’ils ne s’abattent sur La Chaux-de-Fonds à 217 km/heure selon les mesures de la station de l’aéroport des Eplatures. Cela montre comme le phénomène s’est extrêmement rapidement amplifié.»

Ces données enregistrées par les stations météo ne sont délivrées que toutes les 10 minutes. Avec une vitesse de déplacement de 85 km/heure, la tempête n’a pas permis aux météorologues de réagir.

Le temps que les données leur parviennent, les alertes ont été déclenchées au moment où la tempête arrivait au Locle. «C’était impossible à prévoir, tant au niveau de l’intensité que de la trajectoire», confie Didier Ulrich.

Pas comme les ouragans

On prévoit pourtant les ouragans, les cyclones et les typhons…

«La différence est que ces phénomènes durent plusieurs jours, voire plusieurs semaines, et que l’on peut donc déterminer assez précisément leur trajectoire, d’autant plus qu’ils présentent des diamètres beaucoup plus larges, parfois de plus de 1000 kilomètres», explique Vincent Devanthey.

«Dans le cas présent, cela n’a duré que quelques minutes. Cela a été tellement soudain que lorsqu’on a compris, l’orage était déjà passé.»

Cette animation montre le trajet précis de l’orage (source: MétéoSuisse).

Il est en outre difficile de mesurer l’intensité d’une tempête très localisée, avec des secteurs ravagés tandis qu’à peine plus loin, les meubles de jardin n’ont même pas tremblé.

Alors qu’à la Combe-Monterban, la forêt était rasée et qu’au Crêt-du-Locle, les maisons perdaient leur toiture et les usines étaient éventrées, le centre-ville du Locle était épargné.

Au Col-des-Roches, la station météo enregistrait une rafale à 107 km/heure, soit moitié moins que ce qui était mesuré au même moment aux Eplatures.

«Les tempêtes de ce type sont imprévisibles. On touche aux limites de la météo. Nos moyens actuels sont incapables de prévoir de tels événements», confirme Vincent Devanthey.

Des événements extrêmes plus fréquents

Ces événements extrêmes sont hélas appelés à devenir plus fréquents.

«Quand la température augmente de 1°C, l’air peut contenir 7% d’humidité en plus. Avec les températures plus élevées que nous connaissons, on tend à aller vers des phénomènes plus violents, que ce soit la sécheresse, les pluies ou les vents», avertit Vincent Devanthey.

«On voit d’ailleurs que le Valais, longtemps épargné par la grêle, commence à connaître des épisodes de grêle depuis cinq ou six ans. Et en Italie, des grêlons de près d’un demi-kilo sont tombés dans la nuit de lundi à mardi…»

L’un d’eux, de 19 centimètres de diamètre, a été désigné comme le plus gros jamais enregistré en Europe par le Laboratoire européen des tempêtes sévères (LETS).

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