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Sécuriser les toits à La Chaux-de-Fonds: «Un travail titanesque»

La sécurisation des toits est une des priorités depuis la tempête du lundi 24 juillet. Pompiers et entreprises privées y travaillent du lever du soleil à la tombée de la nuit à La Chaux-de-Fonds. Reportage.

28 juil. 2023, 16:06
La sécurisation des toits est la priorité numéro 1 pour les sapeurs-pompiers et les couvreurs.

«Ça n’arrête pas. C’est à temps complet», commente le capitaine Alexandre Jacot du Service d’incendie et de secours des Montagnes neuchâteloises. L’officier d’intervention nous a accompagnés sur certains points chauds de La Chaux-de-Fonds, ce jeudi 27 juillet.

La priorité numéro 1 est de sécuriser les toits. «Nous recevons très régulièrement des appels de privés qui nous disent qu’il y a des tuiles qui tombent ou nous observons nous-mêmes des amas de tuiles que nous sommes obligés de sécuriser.»

«Nous faisons de la sécurisation d’urgence pour tout ce que nous voyons et qui risque de menacer la population. Celle-ci ne se rend clairement pas compte du risque qu’il y a», poursuit-il.

«Par la force du raisonnement»

«Il faut le répéter. Même si nous l’avons déjà dit, ça ne coûte rien. Il faut être attentif, prudent. Nous sommes toujours dans une phase où on recommande à la population d’éviter de se déplacer pour rien. Il y a des tuiles qui tiennent par la force du raisonnement», dit-il.

«C’est difficile, je le comprends. Mais il en va de la sécurité des gens. Une tuile sur la tête, vous ne vous en remettez pas. Et nous ne parlons pas d’une cheminée», image l’officier.

De nombreux toits sont mis à nu. Photo: David Marchon 

Des corps de pompiers solidaires

Pour mener à bien leur travail, les forces de sécurité locales peuvent compter sur l’appui de corps d’autres communes et d’autres cantons. Genève, Vaud, Fribourg et Bienne ont immédiatement offert leurs services.

Lundi 24 juillet, peu après midi, les sapeurs-pompiers chaux-de-fonniers ont reçu des messages de leurs collègues. Ils se sont spontanément proposés pour venir à la rescousse.

Pare-neige problématiques

Revenons à la sécurisation des toits. «Globalement, ça se passe pas mal. Le travail est titanesque, y compris pour les entreprises privées», relève le capitaine.

«Il y a énormément d’entreprises, même extra-cantonales, qui sont sur les lieux et à pied d’œuvre.»

«Par contre, nous n’avons pas de coordination avec eux. Nous avons reçu des appels pour certaines adresses alors que le travail avait déjà été effectué par des privés», explique Alexandre Jacot.

Les amas de tuiles provoqués par les pare-neige posent des problèmes. Photo: David Marchon

Les difficultés sont diverses. «Les pare-neige qui sont installés sur nos toits ne nous rendent pas service parce qu’ils provoquent des amas de tuiles», relève par exemple l’officier.

Nous pouvons le constater au début de la rue Numa-Droz aux abords de l’usine électrique. Même si les toits de nombreux immeubles sont quasiment nus.

Un personnel formé

«Sécuriser les toits est un travail que nous savons faire. Le personnel est formé à la base pour tout ce qui est antichute. Il y a des formations complémentaires pour les membres du groupe Grimp», explique Alexandre Jacot, à propos du groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux.

«Ils sont davantage perfectionnés pour tout ce qui est technique de corde, technique d’assurage. Ils sont engagés sur des objectifs plus particuliers, plus à risques. Généralement, la sécurisation de lieux fait partie de nos missions de base», indique-t-il.

Sur les toits plats, les gravillons se sont transformés en projectiles.
Alexandre Jacot, officier du Service d’incendie et de secours des Montagnes neuchâteloises

«Ce qui est particulier, c’est la quantité. Je discutais avec un de mes collègues genevois, un officier spécialiste. Il m’a dit: ‘Des cheminées, chaque année, j’en fais quatre ou cinq. Hier après-midi, j’en ai fait 20’», raconte le capitaine du SIS des Montagnes neuchâteloises.

Circulation maintenue

Certaines fois, le maintien de la circulation tourne à l’exercice d’équilibrisme. Photo: David Marchon 

A la rue de la Cure, les sapeurs-pompiers déposent les tuiles dans la nacelle du camion-échelle. «Des fois, c’est compliqué. Vu le volume, nous n’arrêterions pas de faire des navettes. Nous les balançons au sol et des équipes passent après pour nettoyer avec des moyens adéquats», précise-t-il.

A ce carrefour, la circulation a été maintenue. Ce n’est pas toujours le cas. La rue Neuve, notamment, a dû être bouclée pour permettre une intervention urgente cette semaine.

«La ville et la population doivent continuer de vivre. Assurer notre propre sécurité et celle des usagers du domaine public et laisser vivre la cité, c’est quelquefois une partie d’équilibrisme», note l’officier.

Les dégâts n’ont pas touché que les toits en tuiles. «Nous avons d’autres types de sinistres. Sur les toits plats, les gravillons se sont transformés en projectiles. Les panneaux solaires, c’est comme s’ils avaient été mitraillés. Ça a été pris par le vent. Des façades sont martelées», raconte Alexandre Jacot.

«Une dame m’a dit qu’un bout de poutre d’une maison s’est retrouvé sur un balcon 60 mètres plus loin», ajoute l’officier.

Un hélicoptère pour cartographier la ville

Jeudi 27 juillet, pour aider au travail de sécurisation, un hélicoptère a survolé la ville. «Pour faire une cartographie des dégâts», dit-il.

«Nous passons beaucoup de temps à dresser des échelles et, en fait, nous n’intervenons pas. Nous ne faisons que des contrôles. Le but est de gagner du temps», précise le capitaine.

Un service géomatique professionnel a été mandaté. «Il nous fournira des images qui seront utilisables par tous les services. Que ce soit pour nous maintenant dans la phase d’intervention, mais également plus tard pour les assurances, la partie forêt, etc.», relève Alexandre Jacot.

«Nous avons commencé de travailler avec des drones. Mais nous avons eu des problèmes dus à la météo qui empêchent leur utilisation.»

Loin d’être fini

Comme ici à Numa-Droz, de nombreuses rues sont encore pavées de tuiles. Photo: David Marchon

Dans tous les cas, le travail de sécurisation est loin d’être terminé. Ce vendredi 28 juillet, les sapeurs-pompiers intervenaient en plusieurs endroits, notamment à la rue du Nord. Un tas de tuiles sur la route témoignait de leur passage.

La flèche du temple de l’Abeille à l’abri

Trois sapeurs-pompiers ont tronçonné la flèche avant de la descendre du clocher. Photo: David Marchon

Depuis lundi, jour de la tempête, la flèche du clocher du temple de l’Abeille, rue Numa-Droz, penchait de plus en plus dangereusement. Ce jeudi 27 juillet, les sapeurs-pompiers l’ont retirée.

Pour mener à bien cette opération, ils ont pu compter sur une autogrue du Service d’incendie et de secours de la Ville de Genève. 

«Nous sommes engagés depuis le lendemain de la tempête. Nous avons envoyé un officier de direction avec une auto-échelle pour les premiers besoins.

Il s’est avéré qu’il y avait besoin d’engager une autogrue. A Genève, nous avons la chance d’en disposer. Nous avons pu la mettre à disposition», explique Régis Python, capitaine responsable de l’unité engagée à La Chaux-de-Fonds.

Une hauteur trop élevée

L’autogrue du SIS de Genève a permis de mener à bien le travail. Photo: David Marchon

«Nous travaillons sur des hauteurs qui ne sont pas accessibles par des moyens traditionnels. A Genève, nos échelles font 35 à 40 mètres. Là, nous sommes à 45 mètres à la flèche. Il ne faudrait pas qu’elle soit 10 mètres plus haut. Nous aurions dû faire appel à une grue privée ou à des moyens plus lourds», indique Régis Python.

«Nos moyens de sauvetage sont de 42 mètres maximum. Mais ce sont des moyens de sauvetage, pas une grue», ajoute pour sa part Alexandre Jacot, officier d’intervention au SIS des Montagnes neuchâteloises.

«Nous avons fait une mission ce matin sur une toiture qui avait été traversée par une cheminée. Celle-ci a endommagé la structure du bâtiment. Elle était plantée dans le toit.»

«La deuxième mission, ça va être d’enlever la flèche du temple de l’Abeille», précise le Genevois avant l’opération.

«Un coup de bol»

«Elle s’est encore penchée depuis ce matin. Nous allons œuvrer avec une nacelle suspendue sous la grue. Des spécialistes du travail en hauteur de chez nous et du SIS des Montagnes neuchâteloises vont travailler avec les grutiers», dit-il.

«Nous avons eu de la chance ce matin, nous avons croisé le professionnel qui s’occupe de l’entretien du bâtiment. Il nous a dit comment il souhaitait que nous démontions la flèche pour que ça soit plus facile pour lui après de sécuriser le bâtiment», ajoute-t-il.

La flèche pèse, selon les informations reçues, «une petite centaine de kilos. Ce n’est pas un enjeu de poids mais d’accessibilité», dit Régis Python.

En deux morceaux

Finalement, une fois arrivés à sa hauteur, les trois sapeurs-pompiers ont scié la flèche en deux morceaux. Le coq a été descendu en premier.

Pour l’anecdote, rappelle Régis Python, la voirie de La Chaux-de-Fonds était allée à la rescousse de Genève en février 1985 à l’occasion «de la neige du siècle».

C’était la moindre des choses que de pouvoir «rendre la pareille». Même si les circonstances ne sont pas comparables.

Le coq a rapidement été pris en main. Photo: David Marchon