Tribune de Genève, mardi 18 mars 2003
Pneumonie à Genève: pas
de panique
Deux voyageurs de
retour d’Asie ont présenté des cas suspects.
Sans conciliabule ni tergiversation, l'Organisation
mondiale de la santé (OMS)
s'est résolue à tirer la
sonnette d'alarme: elle vient de lancer une alerte mondiale
à la suite de la flambée
épidémique d'une forme atypique de pneumonie,
considérant qu'il s'agit d'une
"menace planétaire".
Le virus ou la bactérie, encore non identifié, a déjà tué
neuf personnes
et en a contaminé plusieurs
centaines en Asie et au Canada.
Deux cas suspects ont été détectés à Genève et les
Hôpitaux universitaires de Genève
sont sur leur garde. Mais il n'y
a pas de quoi paniquer. D'abord parce qu'il est
impossible, pour l'heure, de la
contracter en Europe, Suisse incluse.
Les deux cas suspects détectés à Genève sont des
voyageurs qui s'étaient rendus en Asie
du Sud-Est.
Précisément, il semble que le "syndrome respiratoire
aigu sévère" (voir ci-dessous),
c'est son nom, soit apparu en
Chine, dans la province méridionale de Guangdong,
limitrophe de Hong Kong.
Depuis le mois de novembre quelque 300 personnes auraient
été infectées dans cette région;
95 cas ont été décelés à Hong
Kong, 40 au Vietnam. L'Indonésie, la Thaïlande et Singapour
seraient aussi touchés.
Même si, sur place, les informations sur l'évolution de
l'épidémie restent confuses,
la "menace planétaire"
tient au fait que la maladie est passible de se déplacer
à la vitesse des avions.
Des cas suspects ont également été détectés en France, en
Slovénie et en Allemagne
notamment. Toujours chez des
personnes s'étant rendues dans la région infectée,
zone que l'Office fédéral de la
santé publique ne déconseille toutefois pas.
N'empêche, à Genève, comme chez nos voisins, des mesures
ont été prises pour détecter
au plus vite les éventuels cas
et les prendre en charge.
Premières portes d'entrée du pays, les aéroports de Cointrin et de Kloten ont reçu
des consignes sanitaires. Des
informations sur la maladie circulent parmi les voyageurs
et le personnel des compagnies
aériennes.
Ce dernier traque, avec les autorités sanitaires, tous
cas suspects.
Une personne présentant des symptômes douteux à bord d'un
avion sera interrogée
et pourrait être mise à l'écart.
Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), une cellule
de crise a été mise en place
essentiellement en vue
d'informer le personnel soignant et de parer au pire.
"Nous avons donné quelques consignes de précaution,
notamment celle de porter un masque
lors des admissions de cas
suspects", précise Didier Pittet, chef du
service prévention
et contrôle des infections aux HUG.
"Si nous devions hospitaliser quelqu'un avec une
insuffisance respiratoire grave,
cela se fera dans une chambre
spéciale permettant d'éviter que le soignant ne soit infecté.
"Des précautions sans doute nécessaires, puisqu'en
Asie une proportion importante du
personnel soignant a contracté
la maladie.
Notons que les deux cas détectés à Genève n'ont pas
nécessité d'hospitalisation.
"L'un, guéri, correspondait clairement à la
définition épidémiologique de la pneumonie
atypique vue en Asie, précise
Didier Pittet.
Le second, qui est en voie de guérison, est moins clair.
Il pourrait s'agir d'une grippe."
Les HUG collaborent étroitement avec les autorités
sanitaires cantonales.
Echange constant d'information et diffusion de consignes.
En ville, "les médecins ont reçu la semaine dernière
une lettre les invitant à être
aux aguets face aux éventuels
cas de pneumonie atypique", précise Philippe Sudre,
médecin cantonal délégué aux
maladies infectieuses. Le cas échéant, ils doivent en
informer les autorités
cantonales qui transmettront l'information à Berne.
"Cela permettra de mettre en place une surveillance
épidémiologique", ajoute Philippe
Sudre. La liste ne contient toujours que deux noms.
Parallèlement, le Centre de virologie et le Centre de
référence de la grippe
se préparent depuis trois
semaines pour effectuer d'éventuels diagnostics et participer
aux recherches sur ce virus ou
cette bactérie mystérieuse.
Si le "syndrome respiratoire aigu sévère" fait
aujourd'hui peur, c'est parce que les
médecins, chimistes, biologistes
et autres spécialistes du monde entier n'ont pas encore
réussi à trouver l'origine de la
maladie.
"Les meilleurs chercheurs du monde sont au
travail", assure-t-on à l'OMS.
Cependant, les recherches effectuées dans les
laboratoires les plus réputés de la planète
n'ont encore rien donné.
Le problème de cette pneumonie n'est pas d'être
"atypique".
Les médecins en voient constamment.
Le problème est qu'on ne sait pas quel germe est à
l'origine de cette maladie,
s'il s'agit d?un virus ou d'une
bactérie, et par conséquent si on doit la soigner
avec des antibiotiques ou des
antiviraux.
"En cas de forte suspicion, on pourra donner des
antibiotiques, remède pour les
pneumonies atypiques, couplée
d'une médication antivirale", estime Didier Pittet,
chef du service prévention et
contrôle des infections aux HUG.
La confusion qui règne autour du nombre de cas de cette
maladie tient aussi au fait
qu'elle se caractérise par des
signes banaux : poussées de fièvre, fatigue,
douleurs musculaires,
essoufflement, toux et dans certains cas insuffisance respiratoire
aiguë. Il semble qu'elle soit
hautement contagieuse.
Toutefois, relève Philippe Sudre, médecin cantonal
délégué aux maladies infectieuses,
"la contagiosité varie
souvent au cours de la maladie".
De son côté, l'Office fédéral de la santé publique
recommande aussi aux personnes
qui ont voyagé ces deux
dernières semaines dans les pays du Sud-Est asiatique
et qui ressentent des symptômes
de consulter au plus vite un médecin.
Il a mis à disposition un numéro de renseignements:
031/322 88 04, aux heures de bureau.
ANNE-MURIEL BROUET